Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ville, parce que vous êtes artiste de profession ; moi, je dis que le métier gâte tout et que vous ne voyez rien.

— Et, comme Philippe se récriait :

— Vous voyez trop, reprit-elle, et vous voyez mal ; vous voulez traduire des choses qui ne se traduisent pas. Le beau est comme Dieu, il est par lui-même et ne gagne rien à être vanté par des hymnes et des cantiques. Au contraire les paroles, les chants, les peintures, tout ce que l’on invente pour embellir le vrai ne sert qu’à diminuer le sentiment qu’on en a, quand on le contemple sans se préoccuper de la manière de l’exprimer.

— Quoi ? qu’est-ce que cela ? s’écria Philippe. Anti-artiste ? bourgeoise par système ? cela jure venant de vous comme une chenille sur une rose.

— Ah ! je vous y prends ! répliqua vivement Marianne, une chenille ne jure pas sur une rose, car précisément celles qui vivent sur nos rosiers sont fines, lisses et d’un vert printanier extrêmement fin. Vous n’avez jamais regardé une chenille, monsieur le peintre. Il y en a qui sont des merveilles de beauté, et je n’en connais pas de laides. Comment verriez-vous mes grands bœufs, puisque vous ne pouvez même pas voir une si petite bête ?

— Est-ce que c’est vous, dit Philippe à André,