Page:Sand - Valvèdre.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

descendant la montagne, après avoir joint mon offrande à celle du médecin ; mais bientôt j’oubliai tout pour admirer le portique grandiose que je franchissais. Au bout d’une demi-heure de marche, j’avais laissé au-dessus de moi les glaciers et les cimes formidables ; j’entrais dans la vallée du Rhône, que je dominais encore d’une hauteur vertigineuse, et qui s’ouvrait sous mes pieds comme un abîme de verdure traversé de mille serpents d’or et de pourpre. Le fleuve et les nombreux torrents qui se précipitent dans son lit s’embrasaient de la rougeur du matin. Une brume rosée qui s’évanouissait rapidement me faisait paraître encore plus lointaines les dentelures neigeuses de l’horizon et les profondeurs magiques de l’amphithéâtre. À chaque pas, je voyais surgir de ces profondeurs des crêtes abruptes couronnées de roches pittoresques ou de verdure dorée par le soleil levant, et, entre ces cimes qui s’abaissaient graduellement, il y avait d’autres abîmes de prairies et de forêts. Chacun de ces recoins formait un magnifique paysage, quand le regard et la pensée s’y arrêtaient un instant ; mais, si l’on regardait alentour, au delà et au-dessous, le paysage sublime n’était plus qu’un petit accident perdu dans l’immensité du tableau, un détail, un repoussoir, et, pour ainsi dire, une facette du diamant.

Devant ces bassins alpestres, le peintre et le poëte sont comme des gens ivres à qui l’on offrirait l’empire du monde. Ils ne savent quel petit refuge choisir pour s’abriter et se préserver du vertige. L’œil vou-