Page:Sand - Valvèdre.djvu/157

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Je ne devais ni ne voulais compromettre madame de Valvèdre. Aussi avais-je résolu de partir dès le lendemain. J’eusse été moins prudent, moins délicat peut-être, si elle se fût abandonnée à ma passion : vaincu par sa vertu et forcé de me soumettre, je ne désirais pas exposer sa réputation en pure perte ; mais elle insista si tendrement, que je dus promettre de revenir la nuit suivante, et je revins en effet. Elle m’attendait dans la campagne, et, plus romanesque que passionnée, elle voulut se promener avec moi sur le lac. J’aurais eu mauvaise grâce à me refuser à une fantaisie aussi poétique. Pourtant je trouvai maussade d’être condamné au métier de rameur, au lieu d’être à ses genoux et de la serrer dans mes bras. Quand j’eus conduit un peu au large la jolie barque qu’elle m’avait aidé à trouver dans les roseaux du rivage, et qui lui appartenait, je laissai flotter les rames pour me coucher à ses pieds. La nuit était splendide de sérénité, et les eaux si tranquilles, qu’on y voyait à peine trembler le reflet des étoiles.

— Ne sommes-nous pas heureux ainsi ? me dit-elle, et n’est-il pas délicieux de respirer ensemble cet air pur, avec le profond sentiment de la pureté de notre amour ? Et tu ne voulais pas me donner cette nuit charmante ! Tu voulais partir comme un coupable, quand nous voici devant Dieu, dignes de sa pitié secourable et bénis peut-être en dépit du monde et de ses lois !

— Puisque tu crois à la bonté de Dieu, lui répon-