Page:Sand - Valvèdre.djvu/225

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son mari, tantôt envers son amant, ses aversions obstinées, ses préjugés de race, ses engouements rapides, sa passion même pour moi, si austère et si ardente en même temps, que penser de tout cela ? Je me sentis si effrayé d’elle, qu’un instant je me crus délivré du charme fatal par l’ingénue et sainte causerie de deux enfants.

Mais pouvais-je être sauvé si aisément, moi qui portais, comme Alida, le ciel et l’enfer dans mon cerveau troublé, moi qui m’étais voué au rêve de la poésie et de la passion, sans vouloir admettre qu’il y eût, au-dessus de mes propres visions et de ma libre création intérieure, un monde de recherches, sanctionnées par le travail des autres et l’examen des grandes individualités ? Non, j’étais trop superbe et trop fiévreux pour comprendre ce mot simple et profond d’Adélaïde à sa petite sœur : l’étude des choses vraies ! L’enfant avait compris, et, moi, je haussais les épaules en essuyant la sueur de mon front embrasé.

Les jours qui suivirent eurent des heures fortunées, des enivrements et des palpitations terribles, au milieu de leurs détresses et de leurs découragements. Je restai dans le casino, et je tentai d’y ébaucher un livre, précisément sur cette question qui me brûlait les entrailles, l’amour ! Il semblait que le destin m’eût jeté dans mon sujet en pleine lumière, et que le hasard m’eût fourni pour cabinet de travail l’oasis rêvée par les poëtes. J’étais entre quatre murs, il est vrai, dans une sorte de prison régulièrement encadrée d’un berceau