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VII


J’avais résolu de ne plus épier les secrets du voisinage, et j’avais parlé si sévèrement à madame de Valvèdre, qu’elle-même avait renoncé à écouter ; mais, en marchant sous la treille, je m’arrêtais involontairement à la voix d’Adélaïde ou de Rosa, et je restais quelquefois enchaîné, non par leurs paroles, que je ne voulais plus saisir en m’arrêtant sous la tonnelle ou en m’approchant trop de la muraille, mais par la musique de leur douce causerie. Elles venaient à des heures régulières, de huit à neuf heures du matin, et de cinq à six heures du soir. C’étaient probablement les heures de récréation de la petite. Un matin, je restai charmé par un air que chantait l’aînée. Elle le chantait à voix basse cependant, comme pour n’être entendue que de Rosa, à qui elle paraissait vouloir l’apprendre. C’était en italien ; des paroles fraîches, un peu singulières, sur un air d’une exquise suavité qui m’est resté dans la mémoire comme un souffle de printemps. Voici le sens des paroles qu’elles répétèrent alternativement plusieurs fois :

« Rose des roses, ma belle patronne, tu n’as ni trône dans le ciel, ni robe étoilée ; mais tu es reine sur la terre, reine sans égale dans mon jardin, reine dans l’air et le soleil, dans le paradis de ma gaieté.