Page:Sand - Valvèdre.djvu/233

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— Si tu dis et si tu chantes à qui que ce soit les niaiseries que tu me fais faire, tu sais notre marché ? je ne t’en ferai plus.

— Oh ! alors motus ! Chantons !

L’enfant fit sa partie avec beaucoup de justesse ; Adélaïde trouva l’harmonie correcte mais vulgaire, et lui indiqua des changements que l’autre discuta, comprit et exécuta tout de suite. Cette courte et gaie leçon suffisait pour prouver à des oreilles exercées que la petite était admirablement douée, et l’autre déjà grande musicienne, éclairée du vrai rayon créateur. Elle était poëte aussi ; car j’entendis, le lendemain, d’autres vers en diverses langues qu’elle récita ou chanta avec sa sœur, à qui elle faisait faire ainsi, en jouant, un résumé de plusieurs de ses connaissances acquises, et, en dépit du soin qu’elle avait pris, en composant, d’être toujours à la portée et même au goût de l’enfant, je fus frappé d’une pureté de forme et d’une élévation d’intelligence extraordinaires. D’abord je crus être sous le charme de ces deux voix juvéniles, dont le chuchotement mystérieux caressait l’oreille comme celui de l’eau et de la brise dans l’herbe et les feuillages ; mais, quand elles furent parties, je me mis à écrire tout ce que ma mémoire avait pu garder, et je fus bientôt surpris, inquiet, presque accablé. Cette vierge de dix-huit ans, à qui le mot d’amour semblait n’offrir qu’un sens de métaphysique sublime, était plus inspirée que moi, le roi des orages, le futur poëte de la passion ! Je relus ce que