Page:Sand - Valvèdre.djvu/236

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venir vers le mur et continuer avec rapidité, toujours très-gaies toutes deux, l’une, qui, déjà très-instruite à force de facilité naturelle, essayait de se révolter contre l’attention réclamée en substituant des noms plaisamment ingénieux de son invention aux noms scientifiques qu’elle avait oubliés ; l’autre, qui, avec la force d’une volonté dévouée, conservait l’inaltérable patience et l’enjouement persuasif. Je fus émerveillé de la suite, de l’enchaînement et de l’ordonnance de son enseignement. Elle n’était plus poëte ni musicienne en ce moment-là ; elle était la véritable fille, l’éminente élève du savant Obernay, le plus clair et le plus agréable des professeurs, au dire de mon père, au dire de tous ceux qui l’avaient entendu et qui étaient faits pour l’apprécier. Adélaïde lui ressemblait par l’esprit et par le caractère autant que par le visage. Elle n’était pas seulement la plus belle créature qui existât peut-être à cette époque ; elle était la plus docte et la plus aimable, comme la plus sage et la plus heureuse.

Aimait-elle Valvèdre ? Non, elle ne connaissait pas l’amour malheureux et impossible, cette sereine et studieuse fille ! Pour s’en convaincre, il suffisait de voir avec quelle liberté d’esprit, avec quelle maternelle sollicitude elle instruisait sa jeune sœur. C’était une lutte charmante entre cette précoce maturité et cette turbulence enfantine. Rosa voulait toujours échapper à la méthode, et se faisait un jeu d’interrompre et d’embrouiller tout par des lazzi ou des questions intempestives, mêlant les règnes de la na-