Page:Sand - Valvèdre.djvu/247

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au-dessus de l’humanité. Elle devait se bien persuader que j’avais besoin d’elle, de son amour, de ses encouragements et de son indulgence dans l’occasion, pour rester digne d’elle. Elle était ma compagne, ma vie, ma joie, mon appui et ma récompense ; donc, je n’étais pas Dieu, mais un pauvre serviteur de Dieu qui se donnait à elle.

» Ce mot, je m’en souviens, parut la combler de joie, et lui fit dire des choses étranges que je veux te redire, parce qu’elles résument toute sa manière de voir et de comprendre.

» — Puisque tu te donnes à moi, s’écria-t-elle, tu n’es plus qu’à moi et tu n’appartiens plus à cet admirable architecte de l’univers, dont il me semblait que tu faisais trop un être saisissable et propre à inspirer l’amour. Tiens, il faut que je te le dise à présent, je le détestais, ton Dieu de savant ; j’en étais jalouse. Ne me crois pas impie. Je sais bien qu’il y a une grande âme, un principe, une loi qui a présidé à la création ; mais c’est si vague, que je ne veux pas m’en inquiéter. Quant au Dieu personnel, parlant et écrivant des traditions, je ne le trouve pas assez grand pour moi. Je ne peux pas le renfermer dans un buisson ardent, encore moins dans une coupe de sang. Je me dis donc que le vrai Dieu est trop loin pour nous et tout à fait inaccessible à mon examen comme à ma prière. Juge si je souffre quand, pour t’excuser d’admirer si longtemps la cassure d’une pierre ou l’aile d’une mouche, tu me dis que c’est aimer Dieu que d’aimer les bêtes