Page:Sand - Valvèdre.djvu/261

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trempée. Elle a vécu repliée sur elle-même, ne croyant qu’à sa beauté, dédaignant son âme, la niant à l’occasion, doutant de son propre cœur, l’interrogeant et le déchirant avec ses ongles pour le ranimer et le sentir battre, faisant passer le monde devant elle pour qu’il s’efforçât de la distraire, mais ne s’amusant de rien, et murant sa coquille plutôt que de respirer l’air que respirent les autres.

» Avec cela, elle est bonne, en ce sens qu’elle est désintéressée, libérale, et qu’elle plaint les malheureux en leur jetant sa bourse par la fenêtre. Elle est loyale d’intentions et croit ne jamais mentir, parce qu’à force de se mentir à elle-même elle a perdu la notion du vrai. Elle est chaste et digne dans sa conduite, du moins elle l’a été longtemps ; douce dans le fait, trop molle et trop fière pour la vengeance préméditée, elle ne tue qu’avec ses paroles, sauf à les oublier ou à les retirer le lendemain.

» Il m’a fallu bien des jours passés à me débattre contre son prestige pour la connaître ainsi. Elle a été longtemps un problème que je ne pouvais résoudre, parce que je ne pouvais me résigner à voir le côté infirme et incurable de son âme. Je crois avoir tout tenté pour la guérir ou la modifier : j’ai échoué, et j’ai demandé à Dieu la force d’accepter sans colère et sans blasphème la plus affreuse, la plus amère de toutes les déceptions.

» Une seconde grossesse m’avait rendu de nouveau son esclave. Sa délivrance fut la mienne, car il se passa