Page:Sand - Valvèdre.djvu/282

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Obernay vit que ma volonté était exaspérée, et que ses remontrances ne servaient qu’à m’irriter davantage. Il prit tout à coup son parti.

— C’est bien, dit-il. Quand tu reviendras, tu trouveras Valvèdre disposé à soutenir ta remarquable conversation, et, jusqu’à demain, il ignorera que je t’ai vu. Pars le plus tôt possible, je vais tâcher de l’aider à ne pas trouver sa femme. Adieu ! Je ne te souhaite pas beaucoup de bonheur ; car, si tu en pouvais goûter au milieu d’un pareil triomphe, je te mépriserais. Je compte encore sur tes réflexions et tes remords pour te ramener au respect des convenances sociales. Adieu, mon pauvre Francis ! Je te laisse au bord de l’abîme. Dieu seul peut t’empêcher d’y rouler.

Il sortit. Sa voix était étouffée par des larmes qui me brisèrent le cœur. Il revint sur ses pas. Je voulus me jeter à son cou. Il me repoussa en me demandant si je persistais, et, sur ma réponse affirmative, il reprit froidement :

— Je revenais pour te dire que, si tu as besoin d’argent, j’en ai à ton service. Ce n’est pas que je ne me reproche de t’offrir les moyens de te perdre, mais j’aime mieux cela que de te laisser recourir à ce Moserwald…, qui est ton rival, tu ne l’ignores pas, je pense ?

Je ne pouvais plus parler. Le sang m’étouffait d’une toux convulsive. Je lui fis signe que je n’avais besoin de rien, et il se retira sans avoir voulu me serrer la main.

Quelques instants après, j’étais en conférence avec mon hôte.