Page:Sand - Valvèdre.djvu/314

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cela s’est éclairci pour moi à distance, quand j’ai pu comparer, quand j’ai rencontré ces beaux diseurs qui ne disent rien, ces cœurs enflammés qui ne sentent rien…

— Comment ! Francis lui-même ?…

— Francis, c’est autre chose : c’est un poëte, un vrai poëte peut-être, un artiste à coup sûr. La raison lui manque, mais non le cœur ni l’intelligence. Il a même quelque chose de Valvèdre, il a le sentiment du devoir. Il y a manqué en m’enlevant au mien ; il n’a pas les principes de Valvèdre, mais il a de lui les grands instincts, les sublimes dévouements. Cependant, Bianchina, il a beau faire, il ne m’aime pas, lui, il ne peut pas m’aimer ! Du moins, il ne m’aime pas comme il pourra aimer un jour. Il avait rêvé une autre femme, plus jeune, plus douce, plus instruite, plus capable de le rendre heureux, une femme comme Adélaïde Obernay. Sais-tu qu’il devait, qu’il pouvait l’épouser, et que c’est moi qui fus l’empêchement ? Ah ! je lui ai fait bien du mal, et j’ai raison de mourir !… Mais il ne me le reproche pas, il voudrait me faire vivre… Tu vois bien qu’il est grand, que j’ai raison de l’aimer… Tu as l’air de croire que je me contredis… Non, non, je n’ai pas le délire, jamais je n’ai vu si clair. Nous nous sommes monté la tête, lui et moi ; nous nous sommes brisés contre le sort, et à présent nous nous pardonnons l’un à l’autre, nous nous estimons. Nous avons fait notre possible pour nous aimer autant que nous le disions, autant que