Page:Sand - Valvèdre.djvu/337

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ardent pour être un écrivain littéraire ; tu me disais que je ferais de la poésie folle, de l’histoire fantastique ou de la critique emportée, partiale, nuisible par conséquent. Oh ! je n’ai rien oublié, tu vois. Tu disais que les organisations très-vivaces ont souvent en elles une fatalité qui les entraine à l’exubérance, et qui hâte ainsi leur destruction prématurée ; qu’un bon conseil à suivre serait celui qui me détournerait de ma propre excitation pour me jeter dans une sphère d’occupations sérieuses et calmantes ; que les artistes meurent souvent ou s’étiolent par l’effet des émotions exclusivement cherchées et développées ; que les spectacles, les drames, les opéras, les poëmes et les romans étaient, pour les sensibilités trop aiguisées, comme une huile sur l’incendie ; enfin que, pour être un artiste ou un poëte durable et sain, il fallait souvent retremper la logique, la raison et la volonté dans des études d’un ordre sévère, même s’astreindre aux commencements arides des choses. J’ai suivi ton conseil sans m’apercevoir que je le suivais, et, quand j’ai commencé à en recueillir le fruit, j’ai trouvé que tu ne m’avais pas assez dit combien ces études sont belles et attrayantes. Elles le sont tellement, mon ami, que j’ai pris les arts d’imagination en pitié pendant quelque temps… ferveur de novice que tu m’aurais pardonnée ; mais, aujourd’hui, tout en jouissant en artiste des rayons que la science projette sur moi, je sens que je ne me détacherai plus d’une branche de connaissances qui m’a rendu la faculté de rai-