Page:Sand - Valvèdre.djvu/338

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sonner et de réfléchir : bienfait inappréciable, qui m’a préservé également de l’abus et du dégoût de la vie ! À présent, mon ami, tu sais que j’approche du terme de ma captivité…

— Oui, reprit-il, je sais qu’avec des appointements qui ont été longtemps bien minimes, tu as réussi à t’acquitter peu à peu avec Moserwald, lequel déclare avec raison que c’est un tour de force, et que tu as dû t’imposer, pendant les premières années surtout, les plus dures privations. Je sais que tu as perdu ta mère, que tu as tout quitté pour elle, que tu l’as soignée avec un dévouement sans égal, et que, voyant ton père très-âgé, très-usé et très-pauvre, tu t’es senti bien heureux de pouvoir doubler pour lui, par un placement en viager, à son insu, la petite somme qu’il te réservait, et qu’il t’avait confiée pour la faire valoir. Je sais aussi que tu as eu des mœurs austères, et que tu as su te faire apprécier pour ton savoir, ton intelligence et ton activité au point de pouvoir prétendre maintenant à une très-honorable et très-heureuse existence. Enfin, mon ami, en approchant d’ici, j’ai su et j’ai vu que tu étais aimé à l’adoration par les ouvriers que tu diriges,… qu’on te craignait un peu,… il n’y a pas de mal à cela, mais que tu étais un ami et un frère pour ceux qui souffrent. Le pays est en ce moment plein de louanges sur une action récente…

— Louanges exagérées ; j’ai eu le bonheur d’arracher à la mort une pauvre famille.