Page:Sand - Valvèdre.djvu/340

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visagé la possibilité de ce rapprochement qui me rappellerait à toute heure un passé affreux pour moi ; cette ville, cette maison !…

— Tu n’habiteras pas la ville, et cette maison, tu ne la reverras plus. Nous l’avons vendue, elle est démolie. Mes vieux parents ont regretté leurs habitudes, mais ils ne regrettent plus rien aujourd’hui. Ils demeurent chez moi, en pleine campagne, dans un site magnifique, au bord du Léman. Nous ne sommes plus entassés dans un local devenu trop étroit pour l’augmentation de la famille. Mon père ne s’occupe plus que de nos enfants et de quelques élèves de choix qui viennent pieusement chercher ses leçons. Moi, je lui ai succédé dans sa chaire. Tu vois en moi un grave professeur ès sciences que la botanique ne possède plus exclusivement. Allons, allons, tu as assez vécu seul ! Il faut quitter la Thébaïde ; tu manques à mon bonheur complet, je t’en avertis.

— Tout cela est fait pour me tenter, mon ami ; mais tu oublies que j’ai un vieux père infirme, qui vit encore plus seul et plus triste que moi. Tout l’effort de ma liberté reconquise doit tendre à me rapprocher de lui.

— Je n’oublie rien, mais je dis que tout peut s’arranger. Ne m’ôte pas l’espérance et laisse-moi faire.

Il me quitta en m’embrassant avec tant d’effusion, que la source des douces larmes, depuis longtemps tarie, se rouvrit en moi. Je retournai au travail, et, quelques heures après, je vis, dans un de mes ateliers,