Page:Sand - Valvèdre.djvu/354

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Il avait quarante-sept ans, mais il eût pu en cacher dix ou douze. Sa beauté mâle et douce, d’une expression si haute et si sereine, était encore la seule qui pût fixer les regards d’une femme de génie ; mais son âme était-elle restée aussi jeune que son visage ? N’avait-il pas trop aimé, trop souffert ?

— Pauvre Adélaïde ! pensai-je, tu vieilliras peut-être seule comme Juste, qui a été belle aussi, femme supérieure aussi, et qui, peut-être comme toi, avait placé trop haut son rêve de bonheur !

Valvèdre marchait en silence auprès de moi. Il reprit la conversation où nous l’avions laissée.

— Alors, dit-il, c’est Rosa qui vous plaît ?

— C’est à elle seule que j’oserais songer, si j’espérais lui plaire.

— Eh bien, vous avez raison ; Rosa vous ressemble davantage. Il y a toujours un peu de fougue dans son caractère, et ce ne sera pas un défaut à vos yeux. Avec cela, elle est douce dans la pratique de la vie, non pas résignée, non pas dominée par des convictions aussi arrêtées et aussi raisonnées que celles de sa sœur, mais persuadée et entraînée par la tendresse qu’elle ressent et qu’elle inspire. Moins instruite, elle l’est assez pour une femme qui a les goûts du ménage et les instincts de la famille. Oui, Rosa est aussi un rare trésor, je vous l’ai déjà dit, il y a longtemps. Je ne sais si vous lui plairez. Il y a tant de calme dans la chasteté de ces deux filles ! mais il y a un grand moyen pour être aimé, vous le savez : c’est d’aimer