Page:Sand - Valvèdre.djvu/355

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soi-même, d’aimer avec le cœur, avec la foi, avec la conscience, avec tout son être, et vous n’avez pas encore aimé ainsi, je le sais !

Il me quitta, et je me sentis vivifié et comme béni par ses paroles. Cet homme tenait mon âme dans ses mains, et je ne vivais plus, pour ainsi dire, que de son souffle bienfaisant. En même temps que chaque aperçu de son lumineux esprit m’ouvrait les horizons du monde naturel et céleste, chaque élan de son cœur généreux et pur fermait une plaie ou ranimait une faculté du mien.

Je l’ouvris bientôt, ce cœur renouvelé, à mon cher Henri. Je lui dis que j’aimais Rose, mais que jamais je ne le laisserais soupçonner à celle-ci sans l’autorisation de sa famille.

— Allons donc ! dit Obernay en m’embrassant, voilà ce que j’attendais ! Eh bien, la famille consent et désire. L’enfant t’aimera quand elle saura que tu l’aimes. C’est ainsi chez nous, vois-tu ! On ne se jette pas dans les rêves romanesques, même quand on est disposé à se laisser convaincre ; on attend la certitude, et on ne pâlit ni ne maigrit en attendant ! Et pourtant on s’aime longtemps, toujours ! Vois mon père et ma mère, vois Paule et moi… Ah ! que Valvèdre eût été heureux !…

— S’il eût épousé Adélaïde ? Je me le suis dit cent fois !

— Tais-toi ! dit Obernay en me serrant le bras avec force. Jamais un mot là-dessus…