Page:Sand - Valvèdre.djvu/356

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Je m’étonnais, il m’imposa encore silence avec autorité.

J’y revins pourtant ; le lendemain de mon mariage avec ma bien-aimée Rose, j’insistai. J’étais si heureux ! J’aimais enfin, et je combattais presque la passion, tant son frère aîné, l’amour, me paraissait plus beau et plus vrai. Aussi, loin d’être porté à l’égoïsme du bonheur, je sentais l’ardent besoin de voir heureux tous ceux que j’aimais, surtout Valvèdre, celui à qui je devais tout, celui qui m’avait sauvé du naufrage, celui qui, par moi blessé au cœur, m’avait tendu sa main libératrice.

Obernay, vaincu par mon affection, me répondit enfin :

— Tu as cru deviner que, depuis longtemps, bien longtemps déjà, dix ans peut-être, Valvèdre et Adélaïde s’aimaient d’un grand amour ; tu ne t’es peut-être pas trompé. Et moi aussi, j’ai eu cent fois, mille fois cette pensée, qui, en de certains moments, devenait une presque certitude. Valvèdre a présidé à l’éducation de mes sœurs autant qu’à celle de ses propres enfants. Il les a vues naître ; il a paru les aimer d’une égale tendresse. Si Adélaïde a reçu de mon père l’éducation la plus brillante et de ma mère l’exemple de toutes les vertus, c’est à Valvèdre qu’elle doit le feu sacré, cette flamme intérieure qui brûle sans éclat, cachée au fond du sanctuaire, gardée par une modestie un peu sauvage, le grain de génie qui lui fait idéaliser et poétiser saintement les études les plus