Page:Sand - Valvèdre.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ils étaient sincères. Ils exprimaient l’état d’une jeune âme avide d’émotions, qui ne se pique pas d’une fausse expérience, et qui ne se vante pas trop d’être à la hauteur de ses rêves.

C’était certes une grande imprudence que je venais de commettre en les envoyant à madame de Valvèdre. Si elle devinait l’auteur et qu’elle trouvât les vers ridicules, j’étais perdu. L’amour-propre ne m’aveuglait pas. Mon livre était l’œuvre d’un enfant. Une femme de trente ans s’intéresserait-elle à des élans si naïfs, à une candeur si peu fardée ?… Mais pourquoi me devinerait-elle ? n’avais-je pas su garder mon secret avec mes meilleurs amis ? Et, si j’étais plus troublé à l’idée de ses sarcasmes que je ne pouvais l’être de ceux de toute autre personne, n’avais-je pas une chance de guérison dans le dépit que sa dureté me causerait ?

Je ne voulais pourtant pas guérir, je ne le sentais que trop, et les heures se traînaient, mortellement lentes, plus cruelles encore depuis que j’avais fait ce coup de tête d’envoyer mon cœur de vingt ans à une femme nerveuse et ennuyée qui ne lui accorderait peut-être pas un regard. Aucune nouvelle communication ne m’arrivant plus, je sortis pour ne pas étouffer. J’accostai le premier passant, et parlai haut sous la fenêtre des voyageuses. Personne ne parut. J’avais envie de rentrer, et je m’éloignai pourtant, ne sachant où j’allais.

Je marchais à l’aventure sur le chemin qui mène à Varallo, lorsque je vis venir à moi un personnage que