Page:Sand - Valvèdre.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mot vertu pour cacher leur infirmité, et avec cela elles font encore des dupes ! des dupes que j’envie, je vous le déclare…

— Ah ça ! m’écriai-je en interrompant ce flux de philosophie nauséabonde, que me chantez-vous là depuis une heure ? Vous me dites que vous avez été aimé, que je le serai…

— Ah ! mon Dieu ! vous croyez que je vous parlais de madame de Valvèdre ? Je n’y pensais pas, mon cher, je parlais en général. D’abord je ne la connais pas ; sur l’honneur, je ne lui ai jamais parlé. Quant à vous… vous ne pouvez pas la connaître encore ; vous lui avez peut-être parlé cependant ?… À propos, la trouvez-vous jolie ?

— Qui ? madame de Valvèdre ? Pas du tout, mon cher, elle m’a semblé laide.

Je fis cette réponse avec tant d’assurance, une assurance si désespérée (je voulais à tout prix me soustraire aux investigations de Moserwald), que celui-ci en fut dupe, et me laissa voir sa satisfaction. Quand nous descendîmes de voiture, j’avais enfin réussi à lui ôter la lumière qu’il avait cru saisir, qu’il avait saisie un moment, et il retombait dans les ténèbres, tout en me laissant son secret dans les mains. Il était bien évidemment revenu à Saint-Pierre parce qu’il avait rencontré madame de Valvèdre à Varallo, parce qu’il avait questionné son laquais, parce qu’il était épris d’elle, parce qu’il espérait lui plaire, et il m’avait tâté pour voir s’il ne me trouverait pas en travers de son chemin.