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De M. Anatole France :


M. Jules Lemaître renferme en son âme les aimables richesses de ces rives de la Loire où il est né. Son esprit est un paysage de rivières, de bois, de collines, de villages et de châteaux, un site animé, verdoyant, clair, heureux. Tout ce qui entre dans cette plaisante contrée, s’y éclaire d’une lumière modérée, y prend les teintes d’un jour humide et doux… Son naturel fait l’unité vraie de sa doctrine.

Le sentiment du devoir professionnel (il est critique dramatique) très fort en lui ajoute encore à son enseignement une sorte d’exactitude presque didactique. Il en est de ce sceptique comme de tous les sceptiques qui, dans le cours ordinaire de la vie, agissent de la même manière que s’ils étaient des croyants, pour cette raison que cette entreprise, fût ce un feuilleton, suppose des principes et la foi en un ordre particulier de vérités.

On a beau douter de la réalité du monde ; si l’on parle d’une pièce de théâtre, il faut supposer, pour un moment, l’existence du théâtre, de la pièce, des acteurs et cent autres contingences.

Et puis M. Jules Lemaître est un écrivain honnête homme et très moral. Il a le souci du bon ordre public et des vertus privées. Sur ce point, jamais il ne flotte ni varie ; son intelligence est vive et souple, elle n’est point perverse. Il est très arrêté dans le respect des lois et de la République, dans l’amour des pauvres et de tout le peuple qui travaille et souffre. Il est attaché de cœur à une sorte de christianisme démocratique dont le Pater est l’expression parfaite. En littérature (puisqu’enfin il y a une littérature), il a le goût exquis, le sens et