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LA HAINE.

CORDELIA.

Je ne veux sur moi que le regard de Dieu !… Va retrouver ton fils, et prie-le de nous venir en aide !

UBERTA, vivement.

Mieux que tu ne penses ! — Son poignard est à sa ceinture,… je le prends, et si tu le manques !… Avec, celui-là, j’en aurai ma part ! (Elle entre vivement dans la salle des morts.)


Scène VIII.

CORDELIA, ORSO.

(La nuit est tout à fait venue ; mais la lune commence à se lever du côté du cimetière et à éclairer la scène failblement. — L’horloge sonne.)

ORSO, sur le seuil, aux soldats qui sont sur la place.

Voici l’heure ! — Tout est prêt ?

VOIX, au fond.

Tout !

ORSO, au fond, sur le seuil.

L’attaque, au dernier son de la cloche de l’Angelus ! (Mouvement de Cordelia. — Orso prend des mains d’Ugone son bouclier et sa hâche, l’Angelus sonne. Il entre en scène, dépose son bouclier et son arme, et se met à genoux sur les marches de la croix, où il prie. — Au fond, sur la place, tous les soldats en vue sont agenouillés dans la direction de l’église. — Musique.)

CORDELIA, à genoux, à l’avant-scène de droite.

Seigneur Dieu ! — je t’ai prié tout jour pour te demander l’apaisement et le pardon : tu ne m’as inspiré que la révolte et la haine ! Ce que tu as permis est horrible, conviens-en !… Et je ne puis pourtant pas me résigner à n’être plus toute ma vie, moi chrétienne, que les restes de l’orgie de ce soldat ivre !… Souffre donc, Dieu juste, que je brise à jamais la chaîne infâme qui m’unit à cet homme ! Et puisque tu ne prends pas toi-même le soin de ma vengeance !… laisse-moi