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ACTE QUATRIÈME.

UBERTA.

L’Orso qui a pris ta ville, Giugurta !… l’Orso (Montrant Cordelia.) qui l’a outragée !… l’Orso qui m’a tué mon fils !… — Ta sœur nous en a vengés tous les trois,… en le poignardant !…

GIUGURTA, avec joie à Cordelia.

Toi ?… (Cordelia, toute à son anxiété, incline faiblement la tête, sans pouvoir dire un mot.)

UBERTA.

Et seule ! — Embrasse-la, va !… elle est digne de toi ! Et c’est une vraie Saracini, celle qui l’a tué de la sorte !…

CORDELIA, révoltée malgré elle, et vivement.

Blessé seulement, blessé !…

UBERTA.

Mais à mort !… n’en doute pas, Giugurta !… quoiqu’ils nous aient enlevé son corps !…

GIUGURTA, prenant la main de sa sœur.

Ô digne fille de ma race,… donne cette main que je la presse sur mes lèvres !…

CORDELIA, retirant sa main.

Ne parlons plus de cela, et laissons ce malheureux en paix !…

GIUGURTA.

Bien ! s’il est mort !… Car s’il n’est que blessé, comme tu le dis !…

CORDELIA, vivement.

Eh ! blessé aussi,… qu’importe à présent ?…

UBERTA, surprise.

Qu’importe ? Parler ainsi,… après ce que tu as fait !…

CORDELIA.

Mon Dieu ! j’ai fait ce que j’ai fait… le ciel a fait le reste ! S’il l’a sauvé, c’est qu’il l’a jugé digne de pardon !… (A son frère avec anxiété.) Tu ne l’achèverais pas, toi-même, à terre, et blessé, n’est-ce pas ?…