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LA HAINE.

Dieu m’est témoin pourtant que ce n’est pas à lui que j’en avais, ni à toi !… qui fus l’amie de ma mère…

CORDELIA, à elle-même, — contre la colonne, — le regardant avec stupeur, et les dents serrées, avec rage.

Cet artisan !… cet homme-là !… cet homme !… oh ! non, non !

ORSO, à Uberta, poursuivant.

Mais n’es-tu pas bien coupable aussi d’avoir laissé ce malheureux enfant courir à sa mort certaine ?…

UBERTA.

Ah ! grand Dieu ! — l’ai-je donc permis ?…

ORSO.

C’est donc Giugurta qui l’a voulu ?

UBERTA, avec douleur.

Oh ! sans cela !…

ORSO.

Eh bien ! là encore tu as mérité ce qui t’arrive !…

UBERTA.

Mérité ?…

ORSO.

N’es-tu pas de sa maison, à ce Giugurta ? — Eût-il dépêché ton fils à la mort si, née de peuple, et Guelfe, comme nous, tu n’étais volontairement l’esclave de ces Gibelins infâmes ?… (Mouvement de Cordelia et d’Uberta.) Oui, infâmes !… les tyrans qui m’ont proscrit et ruiné !… et par qui mon père est mort dans l’exil !… Et plus infâme que tous, la digne fille de cette race damnée !… leur exécrable sœur, nourrie de ton lait !… ta Cordelia !… (Mouvement de Cordelia sous l’injure.)

UBERTA, effrayée, prête à la couvrir de son corps.

Elle ?… Grand Dieu !…

ORSO, tout à son sentiment, et à qui ce mouvement échappe.

Et qui donc, ce soir de fête, — où toute la ville faisait trêve à ses vieilles discordes ! — qui donc a soufflé sur ces haines mal éteintes et rallumé le feu qui nous dévore ?… Oh ! créa-