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ACTE TROISIÈME.

ture maudite !… Tu parais, et morte est la paix de toute une ville ! — Tu parles, et tout un peuple se déchire !… Oui, tout cela est ton œuvre !… oui, ce sang qui coule, c’est toi qui le verses !… oui, ces cris des mourants, ces malédictions des veuves et des mères !… ces clameurs d’un peuple affolé qui s’égorge,… tout cela monte à Dieu… et t’accuse ! — Et n’accuse que toi ! — Car c’est toi qui as déchaîné sur nous cet enfer !… Oui, furie ! oui, c’est toi !

CORDELIA, bondissant.

Oh…

UBERTA, s’élançant au-devant d’elle, et la contenant.

Malheureuse !…

ORSO, allant et venant, hors de lui, et grisé par ses propres paroles qui sont autant de révélations et de certitudes pour Cordelia et Uberta.

Eh bien, qu’elle triomphe à présent, ta Cordelia ! — Entre elle et moi, c’est désormais affaire de destruction !… Elle m’a banni de cette ville, je la balaierai de ce monde !… Elle a fait mon foyer désert !… j’ai mis son palais en cendres !… (Mouvement des deux femmes.) Elle m’a traité comme un esclave !… Je l’ai châtiée comme une courtisane !…

CORDELIA, à elle-même, tombant écrasée sur le banc de pierre.

C’est lui ! (Même jeu d’Uberta, pour la dérober à la vue d’Orso.)

ORSO, à Uberta.

Va lui demander ce qu’elle en pense ! — et qui, de la Patricienne ou du Cardeur de laine, peut aujourd’hui le plus effrontément regarder l’autre !…

CORDELIA, debout, à elle-même, désespérée.

Ah ! démon !…

ORSO.

Quant aux fleurs fatales dont elle m’a souffleté, en pleine rue, et avec moi tout ce peuple !… (Il les tire de son sein.) les voici ! — Je les gardais la, jour et nuit !… pour me rappeler ma vengeance !… — C’est fait ! — Maintenant volez à Cordelia, fleurs fanées, et qu’elle ose vous mépriser encore !… Tu