Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/214

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est toute semblable à

mansiō mansiōnāticus
maison ǁ ménage

Cf. encore : decemundecim : dix || onze.

Les formes simples hunc, hanc, hāc, etc., du latin classique remontant à hon-ce, han-ce, hā-ce, comme le montrent des formes épigraphiques, sont le résultat de l’agglutination d’un pronom avec la particule -ce ; on pouvait autrefois rapprocher hon-ce, etc., de ec-ce ; mais plus tard -e étant tombé phonétiquement, cela n’a plus été possible ; ce qui revient à dire qu’on ne distingue plus les éléments de hunc hanc, hāc, etc.

L’évolution phonétique commence par troubler l’analyse avant* de la rendre tout à fait impossible. La flexion nominale indo-européenne offre un exemple de ce cas.

L’indo-européen déclinait nom. sing. *pod-s, acc. *pod-m, dat. *pod-ai, loc. *pod-i, nom. pl. *pod-es, acc. *pod-ns, etc.; la flexion de *ek1wos, fut d’abord exactement parallèle : *ek1wo-s, *ek1wo-m, *ek1wo-ai, *ek1wo-i, *ek1wo-es, *ek1wo-ns, etc. A cette époque on dégageait aussi facilement *ek1wo- que *pod-. Mais plus tard les contractions vocaliques modifient cet état : dat. *ek1wōi, loc. *ek1woi, nom. pl. *ek1wōs. Dès ce moment la netteté du radical *ek1wo- est compromise et l’analyse est amenée à prendre le change. Plus tard encore de nouveaux changements, tels que la différenciation des accusatifs (voir p. 212), effacent les dernières traces de l’état primitif. Les contemporains de Xénophon avaient probablement l’impression que le radical était hipp- et que les désinences étaient vocaliques (hipp-os, etc.), d’où séparation absolue des types *ek1wo-s et *pod-s. Dans le domaine de la flexion, comme ailleurs, tout ce qui trouble l’analyse contribue à relâcher les liens grammaticaux.