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428 SUR UN POINT DE LA PHONÉTIQUE DES CONSONNES EN INDO-EUROPÉEN.

que πέτρον; et que le type πεστρον pour πεττρον, jusqu'ici admis, ne correspond à rien dans la langue mère. Toute l'erreur consiste à opérer avec -tr- et -ttr- comme avec des grandeurs séparées, tandis que ces groupes coïncident de leur nature. Par voie déductive et par des considérations de phonétique générale, nous obtenons donc un résultat entièrement conforme à l'induction tirée au début du germain seþla-, grec μέτρον, etc.

Revenant au point de vue purement historique, il nous reste à déterminer la position que prend le sanskrit dans le débat. Car cette langue n’a été mise à contribution jusqu’ici qu’à propos de la question théorique du rapport de t | r à ttr, comme aurait pu l’être, le cas échéant, n’importe quelle langue du globe. Elle n’est point intervenue encore en qualité de représentant de l’indo-européen.

A cet égard les formes indiennes pourraient facilement faire illusion au premier aspect. Il est certain que çhatram «parasol», satram, nom d’une certaine cérémonie, offrent le même groupe que pitrā et que ces mots sont formés de ćhad + tram, sad + tram[1]. Il y a donc en apparence, de la part du sanscrit, un témoignage sans réplique, mais en réalité parfaitement nul:

Le -tt- primitif n’étant pas converti dans l’Inde en quelque autre groupe (comme -st- dans les langues d’Europe), la question que le grec permet de résumer dans le dilemme très net μέτρον ou -πλαστρον ne pourrait être en sanscrit qu’une question entre satram et sattram question dont le seul énoncé est absurde, puisque, devant la phonétique indienne, qui dit -atra- dit -attra- et réciproquement. Satram répond à l’alternative posée par juérpov et ne répond pas moins à l’alternative contraire, contenue dans -πλαστρον. C’est qu’en effet nous ne pouvons demander au sanscrit de décider si l’indo-européen séparait ttr de tr après l’avoir invoqué comme l’exemple éclatant d’un idiome qui n’admet pas cette différence. Précisément parce qu’il applique lui-même notre principe d’une manière inflexible, il n’est plus en situation de nous apprendre jusqu’à quel point la langue mère l’appliquait. Ainsi, tout en considérant le parallélisme satram-pitrā (ou sattram-pittrā) comme

  1. Autres exemples: datram «don» = dad-tram (et l’adjectif ḍatrimas), patram «feuille, aile» = pat-tram, probablement aussi kṣatram «imperium» = kṣad-tram (kṣad- distribuer, dispenser), çatrus «ennemi» = çad-trus conformément à l’étymolngie qu’on trouve dans le Mahàbhàrata (8,1992): çatruḥ çadatēḥ. Nous ne mentionnons pas les formes comme satvam = sat-tram, tatvam = tad-tvam, ou les gérondifs tels que datvā, à cause de leur caractère récent.