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SUR UN POINT DE LA PHONÉTIQUE DES CONSONNES EN INDO-EUROPÉEN. 431


Il serait plus aisé de répondre à cette question si nous étions fixés sur la manière dont une sifflante a pu prendre naissance entre un t implosif et un t explosif, qui forment bien le groupe le plus simple et le plus facile à prononcer qu’on puisse imaginer. C’est l’étrangeté même de ce phénomène qui a servi d’argument pour le reculer jusqu’à la période proethnique, parce qu’il est presque incroyable qu’un tel fait se soit répété séparément dans plu- sieurs langues. Quoi qu’il en soit, nous pensons que l’indo-européen n’a pas pu posséder *setsto-, sans que cette forme, à une époque quelconque, ait été précédée de *setto-. Ce point accordé, toutes les observations présentées plus haut conservent exactement leur valeur. Au moment où l’assibilation intervient, elle frappe *setto- qui offre un t double caractérisé: elle ne peut atteindre *set | ro- (pour *settro-) où le t a déjà la même valeur que dans *patros. Ainsi, en admettant que skr. sattar- soit pour *satstar-, *satster-, il ne s’ensuit pas encore que satram ne descende point de *setromQuoique phonétiquement satram puisse sortir de *setstrom, *satstram, aussi bien que de *setrom[1]. Ou en admettant que πλαστός soit pour *platstos, il ne s’ensuit pas que -πλαστρον doive paraître moins irrégulier que précédemment, lorsque nous raisonnions sur la base de *platlos.

Un fait qui n’était pas absolument certain et qui trouve dans ce qui précède une confirmation incidente, c’est que le changement des consonnes douces en fortes devant les fortes est de date indo- européenne. Le doute était soulevé par le lat. āctus (āgo) contre făctus (făcio), qui établit l’existence de formes italiotes comme *agtos[2]. Ces formes ne sont décidément que des formes réédifiées. En effet sed + tlom donne en indo-européen setlom, ce qui serait impossible si les douces avaient maintenu leur sonorité devant les fortes.

P. S. — Il eût été préférable de laisser de côté complètement le mot petrom (?) «aile» que nous avons eu le tort de choisir pour texte et point de départ de cette étude. Assurément, s’il est vrai comme on l’enseigne que le mot aile ait eu la forme *petrom, nous restons libre de défendre notre inter-

  1. Quoique phonétiquement satram puisse sortir de *setstrom, *satstram, aussi bien que de *setrom.
  2. Les formes lituaniennes comme augti (d’ailleurs prononcé aukti) ne signifient rien, comme le prouve p. ex, duktē = *dugtē «fille».