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tandis que la terre tourne


Parfois d’un front tenace il fouillait la mamelle,
Mais la mère, souffrante et brusque, l’écartait ;
Il sautillait alors gauchement devant elle
Pour dérouiller ses pieds de bois blanc mal sculpté.

Déjà se blottissant contre la solitude
Que traîneraient ses jours au milieu du troupeau,
Il acceptait le vent comme une langue rude
Qui ferait vaciller, l’hiver, son corps d’agneau.

Il était là, tragique et petit sous l’espace,
Un bélier qui venait s’enfuit en l’effleurant ;
Et ce mauvais baiser sans tendresse ni grâce
Lui mit au cœur l’effroi d’un monde indifférent.

Puis le berger siffla, la halte étant finie,
Un chien hargneux tenait les moutons en éveil.
Il fallut bien se joindre au courant de la vie…
Ô mon petit enfant à cet agneau pareil !