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pleine lune ou croissant

Dans les champs la lumière étend une dentelle
Où l’automne a dressé ses branchages dorés
Comme pour un autel férié de chapelle.
Sur une planche où des volumes sont serrés,
La nonne a pris un livre et médite un passage.
Qu’importe sous le ciel la ronde des saisons !
Ici le lit étroit évoque un sarcophage
Et tous les gestes ont des couleurs d’oraisons.
Que madame Marie entre en robe de nue,
Ici s’épanouit la candeur qui lui plaît
Et s’acharne à mourir une âme morfondue
De l’égrenage sourd du pesant chapelet.
Le front a conservé la rondeur puérile
Et brille comme un fruit sous la bande de lin,
Le regard enfoncé luit d’un feu peu tranquille,
La bouche a pris un pli que donnent les mots saints
Et les baisers ardents aux médailles bénites.
La robe noire met une ombre dans le clair
Et ses déplacements gardent le poids d’un rite
En dépit du nez amusant qui perce l’air.
Or, devant le prie-dieu qui meuble l’oratoire,
Entre deux tibias une tête de mort