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la mort en croupe

Dès mon matin, juché sur la tour la plus haute,
J’ai mesuré ma taille et sondé l’infini,
Je fus l’arbre captif agriffé sur la côte
Et l’oisillon perclus dans l’étouffoir du nid.
Pris du vertige fou de la profondeur bleue,
J’ai laissé ma raison tituber dans l’éther ;
J’ai rêvé de saisir la comète à la queue
Et d’approcher Vénus où clignote un feu vert.
Je fuirai sans avoir sur les monts de la lune
Cherché parmi les rocs des coquillages morts
Et, poursuivant son vol pesant et sa fortune,
L’astre s’éloignera jaloux de ses trésors.
Je ne m’asseoirai pas au clos de la Grande Ourse
Dont le lopin d’azur hante mes soirs d’été ;
Comme un cheval lancé dans l’arène à la course,
Je tournerai toujours dans mon humanité.
Il faudra n’avoir vu de l’univers immense
Que sa miniature en larmes sur la nuit,
N’avoir eu qu’un soleil pour nourrir l’abondance,
Puis rentrer dans la mort comme dans un étui.
Il faudra n’avoir vu que ces pâles fontaines,
Que ces prés, que ces bois, que ces hommes pareils