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la mort en croupe


Le rustre avec du lard a graissé sa faucille
Qui miroite pendue à l’ombre du grenier
Et la plaine aux pieds nus est une pauvre fille
Haillonneuse et quêtant le don du fruit dernier.

Oh ! maintenant, mon cœur, arrête ta fanfare,
Rentre en toi-même et vois l’état de ta maison.
Le regret des jours morts noue en toi son amarre ;
Ô mon cœur, qu’as-tu fait de la bonne saison ?

Tu reviens des moissons n’ayant dans la mémoire
Qu’un tambourin d’insecte accrochant les épis ;
Nulle poudre de fleurs n’embaume ton armoire ;
As-tu bien vécu l’heure et pressé chaque pis ?

Voici que les volets battent au vent d’automne
Qui mène le convoi de la bonne saison.
Tu tenais le temps chaud par sa tresse luronne :
Considère, ô mon cœur, l’état de ta maison.