Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/25

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piaillent des bandes d’oiseaux. Et comme dans beaucoup de villages de nos campagnes, ici, le champ de repos est à la fois le lieu le plus grave et le plus souriant.

Pourtant, quand viennent les approches de la Toussaint, c’est la tristesse qui l’emporte.

Quinze jours avant la date funèbre, des groupes de veuves et de filles s’étaient déjà massés autour de la fosse aux « proellas. » D’autres, venues de tous les côtés de l’île, avaient procédé à la toilette de leurs tombes. L’église s’était remplie d’ombres taciturnes. Et, longtemps après le coucher du soleil, après le départ de toutes, attardée seule dans le cimetière, une de ces femmes, terminée sa besogne mélancolique, s’était allongée un soir sur le gazon, les seins contre le sol qui avait absorbé le corps, bu le sang de l’être aimé, comme pour l’allaiter, le réchauffer encore ou se confondre en lui dans l’attitude d’un fanatique amour et d’une insurmontable douleur. Et l’on n’avait plus aperçu, émergeant de terre, parmi la blanche forêt des croix, que ses pieds et ses jambes qui sortaient nus des jupes, à l’heure du serein, impressionnants par leur immobilité cadavérique.

Plusieurs fois, Herment avait assisté à de tels