Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enfant sur les yeux, sur le front, sur la bouche. Albert, étonné, s’égaya. Alors, perfide, quand elle l’eût vu ainsi en confiance :

— Qu’est-ce que tu veux devenir, un jour, mon Albert ? Et comme il ne répondait pas, elle insinua : — Un marin ?...

L’enfant crut bien faire et répondit : oui.

Il avait lâché ce « oui » comme il aurait dit autre chose. Mais Salomé sentait que ce désir, il pourrait bien l’avoir un jour. Déjà, il dessinait des bateaux avec un clou, sur la terre battue de la chambre. Et quand il avait pu s’échapper de la maison, par deux fois, elle l’avait retrouvé avec des moussaillons, jouant dans une barque de Lan Pol.

— C’est bien la peine ! dit-elle. Et elle se mit à sourire en hochant la tête.


À quinze ans, Salomé avait épousé Ludovic Kéméan, un matelot doux et timide qu’elle adora six semaines, jusqu’à son départ au commerce. Il avait promis de revenir à la fin de la campagne du voilier sur lequel il servait et qu’il estimait à dix mois : sa jeune femme ne le vit que deux ans plus tard, et pendant trois semaines. Comme ils avaient du bien tous les deux, elle le supplia de se mettre à la pêche