Page:Savinien Cyrano de Bergerac - La mort d'Agrippine - 1654.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
agrippine.

Couronné dans ſon lict de ſes amis en pleurs,
Il crioit, Ô Romains, cachez-moy cette offrande,
C’eſt un bras, non des yeux, que mon ſort vous demande.
Mes plus grands ennemis n’ont rien tant deſiré,
Que de me voir un iour digne d’eſtre pleuré.
À de plus hauts penſers eſlevez donc voſtre ame,
Pleurer Germanicus, c’eſt le venger en femme,
On me plaindra par tout où ie ſuis renommé :
Mais pour vous, vangez-moy ſi vous m’avez aymé :
Car, comme il eſt honteux à qui porte une eſpée,
D’avoir l’ame à pleurer mollement occupée,
Si du ſang reſpandu ſont les pleurs d’un Romain,
I’eſpere que vos yeux ſeront dans voſtre main :
Forcez donc mes bourreaux de ſouſpirer ma perte,
C’est la ſeule douleur qui me doit eſtre offerte ;
Ouy, cherchez, pourſuivrez, iuſqu’à la terre ouvrir,
La terre parlera pour vous les deſcouvrir.
Que par les yeux sanglans de cent mille bleſſures,
Leurs corps défigurez pleurent mes avantures,
Et que Piſon le traiſtre : À ce mot de Piſon,
Son ame abandonna ſa mortelle priſon,
Et s’envola meſlée au nom de ce perfide,
Comme pour s’attacher avec ſon homicide :
Enfin ie l’ay veû paſle, & mort entre mes bras,
Il demanda vengeance, & ne l’obtiendroit pas !