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agrippine.

Pour former du Tyran l’image plus horrible
Chaque endroit de mon corps devient intelligible
Afin que toute entiere en cet accez fatal,
Ie renferme, ie ſente & comprenne ſon mal,
Uſurpant les devoirs de ſon mauvais genie,
Ie l’attache aux douleurs d’une lente agonie ;
Ie conte ſes ſanglots, & i’aſſemble en mon ſein
Les pires accidens de ſon cruel deſtin ;
Ie le voy qui paſlit, ie voy son ame errante
Couler deſſus les flots d’une écume ſanglante.
L’eſtomac enfoncé de cent coups de poignard,
N’avoir pas un amy qui luy iette un regard,
S’il penſe de ſa main boucher une bleſſure,
Son ame s’échaper par une autre ouverture :
Enfin ne pouvant pas m’exprimer à moitié,
Ie le conçois reduit à me faire pitié.
Voy quels tranſports au ſein d’une femme offensée,
Cauſe le ſouvenir d’une injure paßée,
Si la Fortune inſtruite à me deſobliger
M’oſtoit tous les moyens de me pouvoir vanger,
Plutoſt que me reſoudre à vaincre ma colere,
Ie m’irois poignarder, dans les bras de Tibere,
Afin que ſoupçonné de ce tragique effort,
Il attiraſt ſur luy la peine de ma mort.
Au moins dans les Enfers i’emporterois la gloire
De laiſſer, quoy que femme, un grãd nõ dans l’Hiſtoire :