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agrippine

Ou ſi plus clairement il me faut exprimer,
Ie me la cache afin de te pouvoir aymer.
C’en eſt trop, Sejanus, ma douleur eſt contente,
La plus foible raiſon ſuffit pour une Amante,
Et malgré mon ſoupçon contre toy ſi puiſſant,
Parce que ie t’aymay ie te crois innocent.
Adieu, voy l’Empereur, aßiege ſa Perſonne,
Qu’en tous lieux ton aſpect l’eſpouvente & l’eſtonne.

Seianus

Ie sçay que l’Empereur ne peut eſtre adverty
Du nom des conjurez qui forment le party,
Cependant plus ma courſe approche la barriere,
Plus mon ame recule & me tire en arriere.

Livilla

Va, va, ne tremble point, aucun ne te trahit.

Seianus

Une ſecrette horreur tout mon ſang envahit :
Ie ne ſçay quoy me parle, & ie ne puis l’entendre,
Ma raiſon dans mon cœur s’efforce de deſcendre,
Mais encor que ce bruict ſoit un bruict mal diſtinct,
Ie ſens que ma raiſon le cede à mon inſtinct ;
Cette raiſon pourtant redevient la Maiſtreſſe,
Frappons, voyla l’hoſtie, & l’occaſion preſſe,