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tragedie.


Livilla

Ie fais, pour m’animer, à ce coup plein d’effroy,
Des efforts bien plus grands que tu n’en fais ſur toy ;
J’entends de toutes parts le ſexe & la nature,
Qui me font de ce meurtre une horrible peinture :
Mais, femme, ie pourray voir du ſang ſans horreur,
Et parente, ſouffrir qu’on égorge ma ſœur ?
Ie l’ay trop offenſée, & la mort qui m’effaye
Eſt le ſeul appareil qui peut fermer ſa playe.
On voit fumer encor de ſes plus chers parens,
Sur la route d’Enfer les veſtiges ſanglans ;
Rien qu’un cercueil ne couvre un acte de la ſorte,
Et pour elle ou pour moy c’eſt la fatale porte,
Par qui le ſort douteux d’un ou d’autre coſté,
Mettra l’un des partis en pleine liberté.
Encor ſi mon treſpas ſatisfaiſoit ſa haine :
Mais de ta mort, peut-eſtre, elle fera ma peine,
Puis qu’elle a deſcouvert au gré de ſon courroux,
À l’éclat de ma flame un paſſage à ſes coups ;
Donc pour me conſerner, conſernant ta perſonne,
Sauve-moy des frayeurs que ſa rage me donne.

Seianus

Non, non detrompez-vous de ces vaines frayeurs
Elle croit l’Empereur cauſe de ſes malheurs,