Page:Say - Œuvres diverses.djvu/197

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ment. Fait-on à la chimie le reproche de ne s’occuper que de l’analyse et des propriétés des corps ? à l’histoire naturelle, de ne s’occuper que de la description des êtres naturels ? Mais ces sciences n’empêchent pas ceux qui veulent suivre d’autres carrières, d’étudier la théologie ou le blason ; de même que la géométrie ne peut vous parler que de la grandeur des corps, l’Économie politique ne saurait vous entretenir que de vos intérêts temporels.

Je vais plus loin. De toutes les sciences positives, de toutes les sciences fondées sur des faits et sur l’expérience, l’Économie politique est une de celles qui participent le plus évidemment des sciences naturelles et des sciences morales et politiques. J’ai eu mainte occasion de vous faire remarquer que les progrès de nos qualités intellectuelles et morales avaient marché de pair avec le perfectionnement des arts utiles. C’est la production qui nous a civilisés, qui nous a fait comprendre qu’il y avait des ressources plus sûres que le brigandage des conquêtes et le vol du bien d’autrui. C’est depuis qu’on a compris que, dans le monde, les biens n’étaient pas seulement déplacés comme dans une maison de jeu, mais créés de toutes pièces, qu’on s’est appliqué à les produire, et il nous reste à voir (ce que j’essaierai de mettre sous vos yeux) comment ils peuvent être équitablement distribués, et consommés au plus grand avantage de la société. Or, je vous le demande, Messieurs, quoi de plus favorable à la bonne conduite, et au perfectionnement moral des nations ?

Mais pourquoi dans l’Économie politique, telle qu’on la conçoit maintenant, ne comprend-on pas la politique pure, l’organisation constitutionnelle des États et des pouvoirs ? C’est parce que les sciences s’étendent en se perfectionnant. Notre âme s’élargit, dit Montaigne, d’autant plus qu’elle s’emplit. Mais notre tête n’a qu’une certaine dose de facultés, notre temps est borné, et quoiqu’on ait perfectionné les méthodes, et qu’on ait réduit à l’essentiel ce qu’il convient d’apprendre, de loger dans la mémoire des hommes, il est nécessaire de circonscrire, de classer nos connaissances, pour qu’elles ne fassent pas confusion entr’elles, pour que tout homme instruit puisse prendre les principes fondamentaux de toutes, et ne suivre, jusque dans ses dernières recherches, que celles qu’exige spécialement la profession qu’il a embrassée.

Si nous voulions apprendre tout ce qui se tient, tout ce qui s’enchaine, nous voudrions tout savoir ; car il n’est aucune science qui n’ait