Page:Say - Œuvres diverses.djvu/291

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occupant la société de ce qui multiplie ses ressources, ses richesses, on met dans ses mains, en même temps que des moyens de bonheur, l’aisance absolument nécessaire pour développer dans l’homme les plus nobles facultés de son âme ?

« Là où nulle richesse n’est recueillie et amassée, dit M. Mac Culloch, l’esprit des hommes, constamment occupé du soin de pourvoir aux besoins urgents du corps, ne saurait être cultivé ; les vues, les sentiments sont étroits, personnels, illibéraux… Sans la tranquillité et les ressources que procure l’aisance, ces études élégantes, qui étendent nos pensées, purifient notre goût, et nous placent plus haut dans l’échelle des êtres, ne sauraient avoir lieu. L’état de barbarie ou de civilisation d’un peuple dépend plus de l’état de ses richesses que de toute autre circonstance. À vrai dire, un peuple misérable n’est jamais civilisé, et une nation opulente n’est jamais barbare. »

« Les lois que suivent les corps célestes, observe avec raison M. Mac Culloch, dans un autre endroit, quoique nous ne puissions exercer la moindre influence sur leurs résultats, sont néanmoins regardées comme un noble sujet de nos études. Mais, combien les lois que suivent dans leur marche les sociétés humaines, les lois au moyen desquelles une nation s’élève au sommet de la civilisation et de l’opulence, ou s’enfonce dans un abime de barbarie et de misères, ne sont-elles pas plus importantes pour nous, puisqu’elles touchent de si près à notre bonheur et que nous pouvons exercer une si grande influence sur les phénomènes qui résultent de leur action ! La prospérité d’une nation ne dépend pas, à beaucoup près, autant de l’avantage de sa situation, de la salubrité de son climat, de la fertilité de son sol, que des institutions qui excitent le génie inventif de l’homme et favorisent le développement de ses facultés. Avec de telles institutions, les régions les plus ingrates, les plus inhospitalières, deviennent l’asile confortable d’une population nombreuse, élégante et bien pourvue ; tandis que, sans elles, les pays les plus favorisés de la nature ne fournissent qu’une existence imparfaite à des hordes clairsemées, misérables et féroces. »

Je passe par-dessus beaucoup d’autres considérations importantes, relativement à l’objet, aux moyens et à l’histoire de l’économie politique, considérations que les lecteurs français avaient déjà remarquées dans un autre discours préliminaire dont M. Mac Culloch s’est servi beaucoup plus souvent qu’il ne l’a cité, pour arriver à des points en litige auxquels on a attaché quelqu’importance de l’autre côté du dé-