Page:Say - Œuvres diverses.djvu/305

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d’un homme (comme sont les terres), il ne faille commencer par faire un sacrifice pour les obtenir de lui ; mais ils ne sont devenus la propriété de quelqu’un, que parce qu’il y a précédemment appliqué un travail quelconque dont les conventions sociales lui ont assuré le fruit. Ainsi, ce sacrifice même est le prix d’un travail[1].

D’autres auteurs encore avaient prétendu que les produits agricoles n’étaient que le profit d’un capital accumulé, sur ce motif qu’on ne fait des avances pour rendre un fonds productif, que lorsque ces avances produisent un intérêt égal à celui que rend un capital prêté, et même que l’on se contente d’un intérêt moindre, pour les avances destinées à mettre en valeur une terre, que l’intérêt qu’on recevrait pour tout autre emploi, parce qu’on regarde celui-là comme le plus solide de tous.

Ce raisonnement assez spécieux ne prouve point encore que le fermage ne soit en totalité qu’un intérêt déguisé du capital engagé dans un fonds de terre. Il l’est sans doute en partie ; car il y a peu de biens fonds qui ne tirent quelque valeur des améliorations qu’on y a répandues ; mais la totalité de leur valeur locative ne proviendrait de là que dans le cas où la terre susceptible de produire et dénuée d’améliorations, ne pourrait se louer à aucun prix ; or, ce cas n’arrive point dans un pays civilisé. Le pacage de nos plus méchantes montagnes se loue. Il y a dans le royaume de Naples d’immenses plaines, abandonnées aux seules productions spontanées de la nature, productions dont la valeur est représentée par le droit prélevé sur le bétail qu’on envoie y passer l’hiver[2] !

On voit que M. Mac Culloch, comme il arrive trop souvent à ses compatriotes, n’accorde une grande attention qu’à ce qui s’écrit en Angleterre. Il s’est pourtant départi de cette règle à l’égard de M. Henry Storch qui a fait imprimer en français un Cours d’Économie politique destiné à l’éducation des grands ducs de Russie. On ne peut pas deviner le motif qui a porté M. Mac Culloch à vanter cet ouvrage outre mesure. Il ne peut pas ignorer que les trois quarts du livre de M. Storch ne sont qu’une copie littérale de quelques ouvrages connus[3]. Sans

  1. Traité de la volonté, pages 164 et 174.
  2. Voir le Cours complet d’Économie politique, où l’Auteur a développé cet exemple, tome I, page 227.
  3. De la Richesse des nations, de Smith ; du Traité d’Économie politique, de J.-B. Say, dont il a pris des chapitres tout entiers, le titre du chapitre compris ; du Traité de la volonté et du Commentaire sur l’Esprit des lois, par Destutt-Tracy, et du Traité des peines et des Récompenses, par Bentham, mis en ordre par Dumont.