Page:Say - Œuvres diverses.djvu/557

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avoir lieu entre gens qui s’estiment et reconnaissent réciproquement leur bonne foi. Votre critique porte à la fois sur la forme et sur le fonds.

Quant à ce qui tient à la forme, je suis d’accord avec vous que Ricardo reste trop généralement dans les abstractions, tirant trop de conclusions d’un nombre restreint de faits, et s’appuyant sur des hypothèses plutôt que sur l’expérience réelle des choses de la vie. De plus, son style est un peu doctoral, et ceux même qui approuvent le fond de ses idées, sont tentés de résister à la forme paradoxale dans laquelle elles se produisent. Il faut dire cependant que ces défauts sont plus marqués encore chez ceux qui se posent comme ses disciples.

Cela est remarquable surtout lorsqu’il s’agit de la rente (fermage), des salaires, de l’offre et de la demande. Comme remarque préliminaire, en ce qui touche au fermage, je crois que vous n’avez pas reproduit d’une manière parfaitement exacte le sens du passage que vous citez à la page 34 de votre introduction, et sur lequel vous revenez à la page 357 du second volume ; c’est le passage où il dit que : « le fermage n’entre pas et ne peut pas entrer comme élément du prix des choses. » Dans le sens où il l’entend, il peut être fondé, et cela doit signifier seulement, que la rente de la terre est une conséquence et non pas une cause du prix que les consommateurs donnent du produit créé. Du reste, je suis de votre avis ; c’est lorsque la demande des produits de la terre excède ce que l’on peut en tirer, sans recourir à la culture des sols moins fertiles, que l’on voit s’élever le loyer ; mais dire « que ce sont les mauvaises terres qui sont la cause des profits que l’on fait sur les bonnes, » c’est présenter la même idée d’une façon moins heureuse. Non-seulement il y a quelque chose de paradoxal dans cette dernière proposition, mais encore il y a quelque chose qui pèche dans l’expérience des faits, lorsqu’on dit, qu’il faut une différence de fertilité dans différentes parties du sol, pour qu’il y ait rente ou fermage. En supposant le sol pourvu sur tous les points d’une fertilité uniforme, il suffirait qu’il fût limité en étendue, que la demande se maintînt progressive, pour que l’on vit s’élever le fermage.

Sur la doctrine des salaires, l’école de Ricardo affirme d’une manière beaucoup trop absolue, et sans avoir tenu compte des faits réels, que toute lacune sur le salaire a lieu aux dépens des profits, et vice versa. Cela est basé sur la supposition que le capital et l’industrie donnent toujours un produit fixe et limité, d’où résulterait que ce serait aussi une quantité déterminée que le salaire et le profit auraient à se partager ; tandis, au contraire, qu’il est de fait qu’une demande plus grande venant à faire hausser les prix, les salaires et les profits peuvent fréquemment marcher dans le même sens. Pour répondre à cette objection, les partisans de la doctrine en question disent qu’il faut toujours sous-entendre l’adjectif proportionnel comme compris dans leur