Page:Say - Œuvres diverses.djvu/665

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trouva tout à fait à son gré. Il s’arrangea pour y coucher le soir même. Nous dînâmes dans le quartier. Je lui proposai de le mener au spectacle ; mais il ne put accepter, attendu qu’il n’avait pas encore fait reprendre sa redingote, et qu’il ne pouvait songer à se retirer le soir sans cela. Nous nous séparâmes donc, lui très-satisfait de son nouveau domicile ; et moi très-content d’avoir réussi par mes soins à le lui procurer. Nous fîmes le projet de nous revoir souvent, et je retournai chez moi.

Le lendemain matin, je reçus un message de sa part : il me suppliait de venir déjeûner avec lui. J’avais fait un autre emploi de ma matinée ; cependant je ne voulus pas lui refuser. On doit se consacrer à ses amis, surtout lorsqu’ils ont peu de jours à passer avec vous.

« Mon ami, me dit-il en m’abordant, je suis le plus malheureux des hommes. — Qu’avez-vous ? Qu’est-ce qui vous chagrine ? — Il faut que je déloge encore, et dès aujourd’hui. — Que vous est-il donc arrivé ? Vos hôtes vous ont-ils fait quelque scène, ou bien avez-vous découvert quelque friponnerie… ? — Non, mon ami, non rien de tout cela ; la femme est on ne peut pas plus prévenante ; le mari est tout le jour à ses affaires ; mais il y a au-dessus de chez moi un enfant qu’on nourrit, et le balancement du berceau… toute la nuit… Mon ami, un enfant et la paix ne peuvent habiter sous le même toit. Je n’ai pas encore dormi la valeur d’un quart-d’heure depuis mon arrivée à Paris ; ainsi avalons vite nos tasses de café à la crème, et, je vous en prie, aidez-moi à chercher encore un gîte pour ce soir. »

Nous eûmes promptement déjeuné, et cette fois nous continuâmes nos recherches dans le Marais. Beau quartier, bien tranquille, moins populeux que le reste de Paris et où je présumais que M. Minutieux pourrait enfin se reposer. Chemin faisant, il me raconta qu’il s’était souvenu pendant la nuit qu’un homme de sa connaissance lui avait dit autrefois, qu’à Paris il fallait toujours se loger dans les étages les plus élevés ; que c’était l’unique moyen de respirer un bon air, à quoi il était tenté d’ajouter que c’était un moyen de dormir tranquille ; car à Paris, non plus qu’ailleurs, il ne pensait pas qu’on berçât les enfants sur les toits.

Nous eûmes beaucoup de peine à trouver un logement propre et prêt du toit. Il y en avait beaucoup qu’il ne voulait seulement pas regarder. Tantôt un ferblantier dans le voisinage lui faisait appréhender le tintamarre de son marteau. Tantôt un maréchal-ferrant l’obligeait à doubler le pas, car il ne détestait rien autant que l’odeur de la corne brûlée. Une fois nous étions sur le point d’entrer dans une maison, lorsqu’il aperçut que le marteau de la porte voisine était enveloppé d’un chiffon, et qu’il y avait de la paille étendue sous les fenêtres : Ne voyez-vous pas, me disait-il, qu’il y a un malade dans cette maison ? Je