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94 ASSURANCE

Au surplus, il serait très contestable que la garantie du bénéfice net fit perdre à l’assurance son caractère de contrat d’indemnité. Les raisons qui ont fait proscrire par le code de commerce l’assurance du fret maritime et du profit espéré de la marchandise, cette prescription est souvent éludée dans la pratique et a été abandonnée par les législations étrangères, paraissent tirées de l’incitation à la fraude qui en pourrait résulter. Il est incontestable que l’assurance du bénéfice net aurait pour effet de grossir, en bien des cas, le risque de la faute personnelle à l’assuré ; néanmoins cette difficulté spéciale ne se produirait pas en toute circonstance et pourrait souvent recevoir une solution pratique. L’assurance de la productivité des capitaux n’est en elle-même ni irrationnelle ni anti-économique, elle n’a non plus rien d’incompatible avec la notion de l’assurance. 7. Le risque.

Toute la théorie de l’assurance repose sur la notion fondamentale du risque.

La somme jusqu’à concurrence de laquelle une valeur est assurée, est une limite posée à l’obligation de l’assureur ; ce chiffre représente donc l’étendue possible du péril de l’assureur c’est la valeur nominale de son obligation. Cette valeur est éventuelle et aléatoire ; mais, à raison même de l’élément de hasard qu’elle implique, elle peut être, si on l’en dépouille, réduite à une valeur actuelle et certaine celle-ci, dès lors, n’est plus l’étendue possible du péril de l’assureur, mais la mesure exacte et actuelle de ce péril et prend le nom de risque. On ne saurait préciser avec trop de soin la signification de ce terme. Dans son sens habituel, il s’applique à un péril dans lequel entre l’idée du hasard ; en matière d’assurance, le risque s’entend du péril que court la valeur assurée et dont l’assureur prend la charge, mais après élimination de tout élément de hasard. Le risque n’est donc que l’obligation de l’assureur dépouillée de tout caractère aléatoire. Ainsi se trouve expliquée et justifiée la très exacte définition qu’en a donnée M. Chaufton Le risque est la valeur actuelle du dommage possible.

L’évaluation du risque est nécessaire pour que l’assureur puisse apprécier avec certitude le poids réel de l’éventualité dont il se charge et en calculer le prix ; de plus, elle permet à l’assuré de vérifier s’il a intérêt à la transformation de l’aléa en prime constante. Voyons comment se fait cette évaluation.

L’éventualité est la résultante d’un ensemble d’éléments susceptibles de varier et, par suite, d’aggraver ou d’alléger le péril de

lus, il serait très contestable que l’assureur. Ce sont 10 le chiffre de la valeur

l’assureur. Ce sont 1° le chiffre de la valeur assurée, 2° la probabilité du sinistre, 3° son intensité probable, 4° la durée de l’assurance. Chacun de ces éléments, dont la combinaison constitue le risque, doit être examiné et évalué séparément.

1° Et d’abord, l’obligation de l’assureur dépendra de l’importance de la valeur mise en risque. Cette valeur faisant l’objet du calcul de réduction dont il s’agit, il est hors de doute qu’elle doive être déterminée et connue d’avance, soit que le chiffre fixé exprime réellement le montant de la perte possible, soit, si ce montant est inconnu, qu’il n’ait d’autre but que de poser une limite à l’obligation de l’assureur et de permettre à celuici la transformation en dehors de laquelle toute notion d’assurance disparaît. Il suit de là que [’assurance d’une valeur non susceptible d’être déterminée avec une approximation suffisante, c’est-à-dire l’assurance illimitée, serait rationnellement impossible et ne constituerait qu’une opération de jeu. 2° Le péril de l’assureur dépend encore de la probabilité du sinistre ; nous avons vu comment cet élément du risque est apprécié et coté spécialement pour chaque valeur par comparaison avec la probabilité moyenne fournie par les tables.

3° La probabilité du sinistre n’est pas toujours le seul élément de hasard qui entre dans la composition du risque ; l’événement malheureux ou le cas imprévu peuvent en effet ne détruire que partiellement la valeur assurée et, par suite, l’importance du dommage peut varier depuis la perte insignifiante jusqu’à la perte totale. Il faut donc évaluer l’intensité probable du sinistre ou le montant probable du dommage c’est encore ici une probabilité pour laquelle les tables ne fournissent que des éléments très incomplets d’appréciation. L’évaluation de ce facteur réclame toute la perspicacité et toute l’expérience technique de l’assureur.

4° Enfin la durée de l’assurance est un élément connu et qui, de plus, est éliminé dans nombre d’assurances par la réduction de l’opération à une durée d’un an. L’élimination de la durée n’est pas imposée par la nature même de ce facteur qui n’ajoute aucune difficulté à l’appréciation des risques ; elle a pour but de prévenir l’inconvénient provenant de la variation des circonstances qui entourent le risque. Les données statistiques n’étant applicables qu’à des conditions identiques et permanentes, la probabilité déduite des tables se trouverait faussée par tout changement survenu dans ces conditions. Il arrive fréquemment que des variations se produisent ; dans certains cas même, comme


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