Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

95 ASSURANCE

dans les assurances sur la vie, elles affectent un caractère de nécessité et de continuité, d’où résulte un risque dit progressif. L’assureur ne peut dès lors se prémunir contre ces variations des risques qu’en limitant l’assurance à une année, durée pendant laquelle le risque peut être réputé stationnaire. L’assurance de longue durée n’est en réalité qu’une série d’assurances d’un an.

En résumé, le risque est la résultante des quatre conditions que nous venons d’examiner il peut être exprimé en fonction de ces éléments, comme le produit de quatre facteurs, par la formule suivante risque = somme assurée X probabilité X intensité X durée de l’assurance.

La réduction de cette formule donne un rapport qui est une fraction du capital mis en risque et qui exprime la valeur actuelle du dommage possible.

Cependant, il y a loin, en assurance, de la théorie à la pratique. Nous avons dit pourquoi, bien qu’appuyée sur une base rationnelle, l’appréciation du risque ne peut être qu’approximative, et qu’une grande part dans cette évaluation est laissée à l’expérience personnelle et au discernement de l’assureur. Celui-ci est dès lors en danger de s’écarter notablement de la réalité ; de là, pour lui, la nécessité de se couvrir contre les chances mauvaises et de garder que leur part ne devienne prépondérante dans l’ensemble des hasards qu’il assure. Pour cela, il s’astreint, dans la pratique, à certaines mesures de prudence, précautions indispensables soit contre ses propres erreurs, soit contre la part irréductible d’aléa que contient le risque mieux apprécié. Il y a donc, à côté de la science et de la théorie, un art de l’assurance, qui a ses procédés techniques et ses règles spéciales. Plusieurs de celles-ci ne sont, en réalité, que l’application de principes qui doivent présider à la direction de toute organisation financière mais il en est de plus spéciales qu’il faut indiquer, car elles sont fondamentales dans la pratique de l’assurance elles ont pour but d’éviter que les chances qui subsistent dans chaque risque ne se multiplient entre elles ou ne coïncident avec d’autres conditions qui contribueraient à aggraver le péril de l’assureur.

Tel est le cas de l’assurance d’une valeur trop élevée. Les assureurs s’imposent généralement une limite au delà de laquelle ils n’acceptent d’opérations que moyennant certaines précautions spéciales qui ontpour but la limitation du risque. Ou l’assureur fait couvrir par un nouvel assureur une partie du risque dont il s’est chargé (réassurance) ; ou la valeur mise en risque est garantie par

plusieurs assureurs simultanément, soit pour des fractions déterminées (coassurance), soit sans fixation de la part du risque respectivement garantie par chaque assureur (double assurance) ; enfin, de son côté, l’assuré peut faire garantir par un nouvel assureur l’efficacité d’une première assurance (assurance de solvabilité).

L’agglomération des risques est généralement une opération favorable à l’assureur en ce que, les risques se distribuant mieux, un libre essor est laissé au jeu des compensations mais il en est autrement dans certains cas. Cette agglomération est un danger quand les risques sont entre eux dans un lien de solidarité tel que la réalisation d’un sinistre puisse ne pas se produire isolément, mais en entraîner d’autres, soit par voie de conséquence nécessaire, soit par concomitance habituelle. Deux opérations inverses s’imposent à l’assureur il doit grouper les risques indépendants et diviser lesrisques solidaires. Il n’assurera, par exemple qu’une partie de la cargaison d’un navire, il évitera ce qu’en matière d’assurance contre l’incendie il appelle des risques contigus et communiquants, ou encore il n’assurera contre la grêle qu’en « divisant les régions ».

La pratique de l’assurance impose l’exclusion des risques qui ne se prêtent ni à une limitation ni à une division suffisantes. La plupart des fléaux de l’agriculture, inondations, gelées, maladies, insuffisance des récoltes, etc., sont dans ce cas ; malgré les précautions dont nous venons de parler, l’assurance contre la grêle et celle contre la mortalité des animaux présentent des aléas redoutables qui en entravent le développement il est essentiel d’observer que, si l’assurance est plutôt applicable à l’accident isolé qu’à l’accident généralisé, cette distinction n’est pas absolue. Tout au moins, l’impuissance de l’assurance contre les désastres plus ou moins multipliés n’a pas sa cause dans une impossibilité résultant de la nature même de l’opération d’assurance, mais, pour une grande part, dans une insuffisance des travaux statistiques. L’assurance et la statistique ont encore de grands progrès à accomplir, dont il est permis d’attendre d’importants résultats. Nous n’en voulons pour indice que l’assurance des personnes contre le risque de guerre. Longtemps, ce risque a été universellement exclu des opérations d’assurance après les essais hardis qui ont été faits aux États-Unis pendant la guerre de Sécession, la garantie de ce risque est aujourd’hui passée dans la pratique de l’assurance en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et en France.


ASSURANCE