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102 ASSURANCE part. le mouvement de commerce et (

L’antiquité ne connut pas l’assurance. Les anciens avaient cependant la notion du risque et pratiquaient l’association. C’est ainsi que, dans les pays eommerçants de l’ancien monde, les chances de mer relevaient notablement le taux de l’intérêt des capitaux engagés dans le trafic maritime. Le prêt à la grosse aventure, pratiqué en Grèce et à Rome, contenait bien le prix du risque la prime de grosse, mais l’opération dans son ensemble était loin de se rapprocher de l’assurance, puisque le capital engagé était, en cas de naufrage, perdu sans indemnité. De même le taux si souvent usuraire du prêt à intérêt à Rome doit être attribué, pour la plupart des cas, aux risques courus par les capitaux prêtés.

Quant l’association, elle est probablement aussi ancienne que l’humanité. A mesure qu’on remonte vers les civilisations imparfaites des origines, on trouve l’homme plus faible et plus disposé à s’effacer dans l’association. Les anciens s’associaient pour toutes les opérations du commerce et pour de nombreuses entreprises de spéculation.

Il faut, ce semble, attribuer l’ignorance de l’antiquité à l’endroit de l’institution qui nous occupe à la difficulté d’apprécier les risques avec une suffisante précision et encore aux obstacles qu’aurait rencontrés le groupement d’un grand nombre de personnes soit comme membres de l’association chargée de l’assurance, soit comme assurés.

Des conditions analogues se rencontrèrent au commencement du Moyen-Age. Le morcellement de la souveraineté et la difficulté des communications rendaient difficiles les rapports entre personnes relevant de souverains différents. De plus, l’état souvent précaire des propriétés et des personnes, les mœurs trop rudes, les moyens de répression insuffisants, constituaient un ensemble de conditions peu propices à l’éclosion de l’assurance. Le Moyen-Age cependant ne fit rien que par l’association, mais, si les intérêts privés réunissaient leurs éléments similaires, ce n’était le plus souvent que par groupes de personnes bien divisés et très localisés. Pendant la plus grande partie de cette période de l’histoire, on ne trouve aucun vestige sérieux de l’assurance, à moins de vouloir assimiler à des sociétés d’assurance contre les maladies les nombreuses confréries de setours qui florissaient à cette époque.

Il faut arriver au xme siècle pour trouver des traces certaines de l’assurance. Les risques maritimes furent les premiers pour lesquels on s’avisa de cette combinaison. D’une

V. HISTOIRE DE L’ASSURANCE.

part, le mouvement de commerce et de navigation que les Croisades suscitèrent, d’autre part, les facilités qu’avaient les traficants résidant dans les ports pour se grouper et réunir un certain nombre de risques, furent des circonstances favorables à cette éclosion. On trouve des chambres d’assurances au XIVe siècle à Amsterdam et à Bruges.

La découverte du Nouveau Monde la fin du xve siècle, l’invention ou le perfectionnement de la boussole, l’essor que prit la navigation dans cette époque qui marqua les débuts de l’ère moderne du commerce, généralisèrent la pratique de J’assurance dans tous les pays qui tiraient leurs richesses du trafic maritime. Partout on s’occupa de réglementer l’institution. Les usages des ports, les ordonnances de Barcelone (1435), de Florence (1522), de Gênes et de Naples, furent les sources de notre célèbre ordonnance de 1681 qui a passé, à peu près intacte, dans notre Code de commerce. Le principe de l’assurance ainsi connu et pratiqué, on songea à l’appliquer à d’autres risques que ceux de la navigation. Le XVIIe siècle vit éclore les premières tentatives d’assurance contre l’incendie en Allemagne, sous une forme spéciale sur laquelle nous aurons à revenir plus tard, en traitant de l’assurance par l’État, et en Angleterre, où la première société d’assurance contre l’incendie fut fondée en 1684.

Mais ce n’est qu’au siècle suivant que l’assurance terrestre prit de sérieux développements, et notamment l’assurance sur la vie. Cette branche de l’assurance avait des racines lointaines qu’il n’est pas inutile de signaler. Le contrat de rente viagère avait été une forme inconsciente d’assurance sur la vie. L’ancienneté de ce contrat fait remonter très haut dans l’histoire l’idée de combinaisons basées sur les chances de mortalité. Les tontines furentune autre application de la même idée. Après avoir été à leur début (1653) une forme d’emprunts d’État, elles devinrent plus tard une forme de loterie et elles devaient retarder en France, jusqu’au milieu du xzxe siècle, le développement des assurances sur la vie par les déceptions qu’elles avaient causées. Plusieurs opérations de cette nature furent en effet désastreuses pour leurs adhérents, et la dernière, le plus importante aussi de ces tentatives, la tontine Lafarge, a disparu par extinction dans les premiers jours de 1889 après un siècle d’existence, non sans avoir donné bien des désillusions par suite des bases erronées sur lesquelles elle était fondée. Chose étrange alors que la rente viagère et la tontine étaient autorisées et pratiquées, l’assurance sur la vie, sous ses autres formes, fut interdite par le législateur de


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