Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

122— BANQUE

écutés sur toutes les places de l’Eu- maisons de banque doivent leur crédit, le

sont exécutés sur toutes les places de l’Europe et du monde entier. Le 5 p. 100 italien, par exemple, se négocie à Londres, à Bruxelles, à Francfort, à Berlin, à Paris les chemins de fer autrichiens se négocient à Paris, à Vienne, à Berlin, à Francfort, à Hambourg les chemins de fer lombards se négocient en France, en Angleterre, en Allemagne. Que font les arbitragistes  ? Ils vendent de la rente italienne à Londres, qu’ils rachètent immédiatement à Paris, selon que les cours se prêtent le mieux à leurs opérations. Un arbitragiste achète des actions de chemins lombards à Paris, envoie l’ordre de les revendrele jour même à Berlin ; en même temps, peut-être rachètera-t-il à Francfort, pour revendre aussitôt sur une autre place. Les valeurs qui donnent lieu à ce genre d’opération sont ce qu’on appelle des valeurs internationales. En un mot, les achats et les ventes de l’arbitragiste sont aussi variés que peuvent être divers les cours cotés sur les différents marchés. Acheteur à Paris d’une valeur Vendue plus cher à Berlin, il revendra encore cette même valeur à Francfort, si les cours de Vienne lui font espérer qu’il peut la racheter à meilleur compte sur cette dernière place.

Il se fait de nombreux arbitrages sur toutes les Bourses étrangères. Chacun cherche à profiter de la situation de tel ou tel marché, pour que l’opération qu’il effectue soit traitée dans les meilleures conditions. On peut comprendre, quand on réfléchit à la nature et à l’importance de ces opérations, à quel point devient étroite la solidarité de tous les banquiers arbitragistes, et comment un échange aussi continu d’affaires entre places étrangères peut aider au développement des bonnes relations internationales. Bien mieux, le banquier arbitragiste est obligé de se rendre un compte exact des évènements politiques ou financiers qui peuventexercer sur une place une influence quelconque il faut qu’il sache chaque jour sur quel marché il peut opérer avec le plus grand avantage et la plus grande sécurité, car ses arbitrages, devant se défaire presque immédiatement et au plus tard le lendemain, ne peuvent supporter aucun retard, aucune hésitation dans l’exécution. Ces affaires, qui semblent n’être au premier abord qu’un jeu, qu’une spéculation intelligente et raisonnée, reposent cependant sur une base sérieuse: la différence de prix d’un même fonds, ou titre de rente, action ou obligation, et, au point de vue général, ont produit d’heureux résultats. C’est à ce genre d’opérations, qui demande une longue expérience, une grande rapidité de conception et des aptitudes particulières, que de puissantes

maisons de banque doivent leur crédit, leur fortune, leurs relations. Intelligemment conduites, elles sont, de toutes celles qui s’effectuent à la Bourse, les seules qui ne fassent courir que des risques limités. Celui qui étudie philosophiquement la Bourse et en examine attentivement les rouages, les mœurs, les habitudes, aura sans doute remarqué plus d’une fois que ceux qui s’y ruinent sont les spéculateurs jouant à la hausse ou à la baisse absolument comme dans une maison de jeu ils joueraient à la rouge ou à la noire, surun tapis vert ; l’arbitragiste, au contraire, ne s’engage jamais obstinément sur une valeur ; ce qu’il vend à Paris, il l’achète à Londres ou sur toute autre place, et réciproquement. Ses risques sont donc ainsi forcément limités ; un grave événement imprévu peut seul déjouer ses calculs.

Les opérations d’arbitrages, entre les diverses places étrangères, sur les fonds publics et les valeurs mobilières, ont également contribué beaucoup à développer les relations internationales au point de vue du commerce et de l’industrie. En effet, en même temps qu’un arbitragiste achète ou vend une valeur sur une bourse étrangère, il faut qu’il se procure le papier de change qui devra lui servir à payer la valeur qu’il aura achetée, ou qu’il vende celui qui lui aura été envoyé de l’étranger en payement de la valeur qu’il aura vendue. C’est alors que les opérations d’arbitrages survaleurs se combinent avec les arbitrages sur papier et ce papier, qu’il faut acheter ou vendre, suivant que le banquier doit payer ou recevoir, n’est rien autre que la représentation d’opérations conclues entre des commerçants et des industriels des divers pays étrangers. Un négociant français qui aura vendu ses grains à un négociant anglais fera traite sur ce négociant ; cette traite, il la remettra à son banquier qui, lui-même, s’en servira probablement pour payer un banquier anglais d’un achat de valeurs qu’il lui aura fait. C’est le développement d’un immense engrenage c’est une série continue d’affaires quise font et se défont chaquejour, à chaque heure, à chaque seconde. Les arbitrages ont donc développé le crédit par les facilités de négociations qu’ils ont créées sur les places financières du monde entier ; ils ont donné une extension plus active, un développement plus énergique aux relations commerciales et industrielles, en facilitant également les payements et les échanges commerciaux. La véritable portée économique des arbitrages est le transport incessant des capitaux d’un pays à un autre ; c’est un nivellement, au point de vue de l’abondance, du taux des capitaux dans le monde.


BANQUE