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en est de même des encaissements de coupons, qui se font gratuitement, presque pour rien.

La réception des titres en dépôt et leur garde est-elle une cause de bénéfice  ? Quelques chiffres répondront pour nous. La Banque de France avait en dépôt, à Paris seulement, au 24 décembre 1888, 4,404,853 titres, représentant une valeur de 3 milliards 238 millions de francs appartenant au public et déposés dans ses caisses. La Banque de France perçoit un droit de garde très élevé, 0,20 par titre, mais les autres établissements financiers beaucoup d’entre eux font ce service gratuitement demandent seulement 5 et 10 centimes.

Or, si l’on compte par million de titres, quantité considérable, quels seraient les bénéfices que retirerait un établissement financier de cette conservation avec un tarif égal à la moitié de celui de la Banque de France, c’est-à-dire 10 centimes par titre  ? Cent mille francs par an seulement. Le public se rend-il bien compte des risques et des responsabilités que font encourir des opérations de cette nature, de l’importance du personnel nécessaire dont il faut être sûr et qui a pour tâche de recevoir, d’enregistrer, de vérifier, de classer un pareil monceau de valeurs  ? Peut-on mesurer le temps qu’il faut employer pour détacher les coupons de ce million de titres, pour les encaisser et en payer ensuite le montant à chacun des titulaires ou bien pour en créditer leur compte  ? Et toutes ces dépenses, toutes ces responsabilités, tous ces risques, on les couvre par une redevance de 10 centimes.

Il est vrai d’ajouter que ceux qui déposent des valeurs dans une banque ont parfois des commissions supplémentaires à payer, soit qu’il s’agisse de renouveler des feuilles de coupons, ou de souscrire, avec les titres déposés, à une émission nouvelle ; les intermédiaires recevant, il est vrai, de leur côté une commission qui leur est allouée par les émetteurs, c’est la Banque qui tout naturellement en bénéficie ; mais que de soins, de vigilance, de fatigues, ne sont pas la conséquence de tant de mouvements de titres et de fonds ! Toutes ces opérations sont assurément celles qui rapportent le moins à une banque ; elles sont surtout faites pour que le public, attiré par ces tacilités, devienne le client fidèle d’une maison qui lui aura rendu des services presque gratuits, et lui procure plus tard des bénéfices notables par l’intérêt qu’il prendra dans d’autres affaires qui lui seront proposées.

Il est probable, en effet, qu’un particulier qui aura déposé ses fonds dans une banque

lême des encaissements de cou- s’adressera à cette banque et non à une autre,

s’adressera à cette banque et non à une autre, pour escompter son papier de commerce, se faire prêter sur valeur, encaisser ses coupons, souscrire à des émissions ; ayant assez de confiance dans cette maison pour y déposer ses fonds ou ses titres, c’est encore à elle qu’il s’adressera pour effectuer les opérations de banque proprement dites qu’il pourra vouloir réaliser ; conséquemment, si toutes ces opérations diverses rapportent peu aux sociétés financières qui s’en chargent, elles leur procurent une clientèle dont elles sauront tirer parti et qui, par l’ensemble de ses opérations, finira tôt ou tard par donner des profits. Les bénéfices véritables, les seuls bénéfices importants que réalisent la plupart des banques et sociétés par actions, se trouvent dans les constitutions de compagnies diverses, les participations à des affaires qui demandent, pour réussir, des capitaux et du temps, dans les émissions ou les mises en vente de titres, dans les syndicats, dans les placements de valeurs, à option, à commission ou pour leur propre compte.

Telle est, en général, la source principale des bénéfices des sociétés financières, bénéfices auxquels on doit ajouter les différences d’intérêt provenant de l’emploi des fonds reçus en dépôt, les souscriptions aux émissions pour compte de tiers, les reports et les arbitrages.

Il ne faut pas croire que toutes ces opérations soient exemptes de risques et de dangers ; elles procurent, sansdoute, quand elles réussissent, de gros profits, mais le moindre échec peut être fatal.

Ces opérations exigent d’abord une grande immobilisation de capitaux. Si une société souscrit ferme des titres qu’elle a l’intention de revendre, et si le public refuse d’acheter, si elle s’intéresse dans des syndicats, dans des participations, dont la liquidation devient difficile, si elle fournit des fonds à une société particulière dans le but de la développer, avec la pensée de la mettre en actions, et si plus tard le public se refuse à souscrire à l’émission qui lui est proposée, la société de banque n’a pas fait autre chose que d’échanger son argent contre du papier qu’elle ne peut pas vendre, qu’elle est obligée de conserver en portefeuille, immobilisant ainsi ses ressources disponibles, aussi bien celles qui appartiennent à ses actionnaires, que celles des tiers, dont elle ne dispose qu’à titre temporaire. A partir du jour où une société financière immobilise une partie importante de ses ressources, l’heure des responsabilités dangereuses a sonné les bénéfices espérés, entrevus, s’évanouissent, les frais généraux continuent à courir, diminuant ra-


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