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attendre chose pareille mais le fa . Avantages et inconvénients des banques privilégiées et des banques multiples.

L’unité, a-t-on dit, fait la force une grande banque centrale et privilégiée est plus puissante que des banques multiples ; elle inspire plus de confiance, tant par le prestige que lui donne son privilège qu’à cause de la garantie assurée parle contrôle du gouvernement. Que le monopole et le contrôle du gouvernement procurent du relief et du crédit à une banque, c’est chose indubitable ; mais rien ne s’oppose à ce que des banques multiples s’organisent et se conduisent de manière à obtenir par elles-mêmes autant de confiance et de crédit que des banques privilégiées on en a vu maints exemples aux Etats-Unis et en Angleterre. Il existe seulement cette différence que pour les banques multiples le succès est moins facile. Il y a des pays ou des parties de pays qui sont moins propices que d’autres à la circulation fiduciaire ; là, évidemment, des banques d’émission qui viendraient à s’établir rencontreraient dé la méfiance elles auraient à vaincre des habitudes et des préventions qui rendraient moins aisée l’acceptation de leurs billets, et une banque privilégiée aurait plus de chances de succès.

Avec la pluralité, le public a la faculté de choisir entre les banques d’une solidité éprouvée et celles qui ne paraissent pas mériter autant de confiance. Il y a donc là, a-t-on objecté, une inégalité fâcheuse ; mais n’en est-il pas ainsi dans toutes les branches de commerce et d’industrie qui ne sont pas envahies par le monopole, et le public n’y trouve-t-il pas des avantages plutôt que des inconvénients ? Quel dommage peut-il y avoir à ce qu’on soit libre de s’adresser à l’établissement par qui l’on pense être le mieux servi ?

Selon Victor Bonnet, lorsqu’il y a plusieurs banques d’émission, elles sont en quelque sorte solidaires ; lamoindre atteinte portée au crédit de l’une d’elles les ébranle toutes plus ou moins. « En 1857, a dit cet économiste, il a suffi qu’une banque fit faillite pour qu’immédiatement le public prît l’alarme et demandât partout le remboursement des billets et des dépôts. Les porteurs n’avaient qu’à attendre ils étaient bien sûrs d’être remboursés mais la panique s’en était mêlée et toutes les banques de New-York furent obligées de suspendre leurs payements 1. » Qu’on remarque déjà que les remboursements étaient assurés avec un régime de qui, selon les partisans du monopole, on ne saurait i. Le crédit et les banques d’émission, 2. 143. attendre chosepareille ; mais le fait cité par Victor Bonnet est loin d’avoir une portée telle qu’il soit permis d’en inférer, en général, que sous le régime de la pluralité une banque ne peut tomber en faillite sans faire crouler les,autres. Dans les crises dont les Etats-Unis et l’Angleterre ont été affligés, les banques d’émission ont plus ou moins souffert ; mais nombre d’entre elles ont surnagé au milieu des naufrages ; d’autres, après un moment de détresse, ont repris le cours de leurs opérations sans qu’il y parût. Parmi les grandes banques anglaises qui n’émettaient pas de billets au porteur, n’en a-t-on vu causer des désastres par leurs imprudences ? Chez nous, aucune des banques locales qui existaient avant 1848 « ne fit perdre un sou à personne ». Est-il nécessaire de citer encore les banques écossaises qui, pendant près de deux siècles, n’ont vu faillir que deux d’entre elles et n’ont rien perdu de la faveur du public ? Il ne suffit pas de soutenir que les banques privilégiées inspirent plus de confiance et jouissent de plus de crédit que les banques multiples ; il faudrait démontrer que cette confiance et ce crédit sont toujours mérités. Or, il existe des preuves du contraire. En 1826, pendant que les banques anglaises multipliaient à l’excès leur circulation fiduciaire, la Banque d’Angleterre ne se comporta guère avec plus de sagesse. Elle continua trop longtemps ses émissions ; ses caisses se dégarnirent quand elle reconnut sa faute, elle dut s’arrêter brusquement, ce qui occasionna une perturbation générale. En 1838 et pendant les premiers mois’de 1839, la même Banque continua d’émettre des billets au delà de la. juste mesure. En septembre 1839, son encaisse se trouvait réduite à 2,406,000 livressterling si la Banque de France ne lui fût venue en aide, elle n’eût pu continuer ses.payements. Victor Bonnet a fait une observation très juste en 1884, dans la Revue des Deux-Mondes « En 1869, la circulation fiduciaire de la Banque de France était de 1356 millions et son encaisse de 1259 ; le découvert des billets était donc d’une centaine de millions. Aujourd’hui la circulation dépasse trois milliards et. l’encaisse oscille autour de 1 950 millions ; ledécouvert monte à 1 milliard 50 millions.

Du moment, dira-t-on, que les billets au por-teur sont acceptés comme monnaie courante par tout le monde et qu’ils seront certainement remboursés un jour, on ne doit pas s’inquiéter. Malheureusement il y a, comme l’a dit Bastiat, ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit quand le papier est abondant, ce sont les relations commerciales qui sont faciles, l’argent qui est à bon mar-