Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

BANQUE 164 BANQUE

le pays pourra absorber 350 millions ; le lendemain, le mois suivant, l’année d’après, il pourra absorber 700 millions. La circulation ne sera pas en plus mauvais état le jour où il aura absorbé 700 millions que le jour où il en avait absorbé 350, si les changes étrangers n’ont pas varié et ne signalent aucun danger. Et l’inverse est aussi vraie. Le nombre des billets de banque pourra s’être abaissé et néanmoins la circulation pourra être plus compromise. J’en conclus que les limites empiriques ne signifient rien. Il faut que la circulation se limite d’elle-même. « La protection de la circulation contre les entraînements du public n’est pas le seul point de vue sous lequel il faille envisager la question. Nous devons être en garde aussi contre les entraînements du gouvernement. Quels sont les moyens de remédier aux inconvénients de cette nature ? Je ne crois pas qu’il soit possible de rédiger une loi qui prescrive que l’Etat n’aura jamais d’entraînement, et si on faisait cette loi-là, elle serait violée le jour où l’on serait saisi par cet entraînement. Mais vous avez un moyen très efficace de contrôler le ministre des finances. La responsabilité ministérielle garantit absolument les chambres contre la liberté laissée au ministre. Quelle sécurité plus grande pourriez-vous trouver ? Réglementerez-vous telle ou telle portion de la

dette flottante ? Prohiberez-vous telle ou telle opération avec la Banque ? Supposez qu’un ministre veuille échapper à ces prescriptions, cela lui sera toujours facile. » Ces observations ne furent pas contestées ; qu’eût-on pu y opposer ? Mais la limitation prévalut par des raisons qui éludaient la question au lieu de la résoudre. « L’opinion, dit-on, peut s’émouvoir de voir l’élévation du montant des billets mis en circulation dépendre en partie des besoins du gouvernement et l’opération de demander une loi spéciale au parlement chaque fois qu’il y aurait utilité à négocier à la Banque de France des bons du Trésor et des obligations à court terme, ou de lui demander des avances sur ces valeurs, serait une trop grande gêne pour le gouvernement »

Il y a eu beaucoup d’autres mesures proposées pour empêcher l’abus de la liberté de l’émission, mais il ne s’en trouve en réalité que trois qui soient d’une utilité incontestable et générale. Elles sont : 1 d’imposer aux banques l’obligation stricte de rembourser leurs billets à présentation ; 2° de leur interdire tout escompte à longue échéance et tout prêt à long terme 3° de leur imposer l’oblii. Voy e nal officiel, débats du Sénat, janvier 1884. urra absorber 350 millions ; le gation de publier chaaue semaine un état gation de publier chaque semaine un état dressé d’après un modèle officiel de manièreà faire connaître exactement leurs opérations et leur situation. Et, pour assurer l’exécution de ces dispositions, il faut nécessairement une sanction pénale et une inspection administrative.

IV. RÉSUMÉ. CONCLUSIONS. BALANCE DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS Nous avons maintenant à résumer les faits et les observations qui précèdent et à tirer lesconclusions qui en découlent naturellement.

19. Liberté et privilège.

Ce n’est point par des considérations scientifiques qu’est déterminé l’établissement du monopole ou de la liberté de l’émission dans les différents pays, c’est généralement par l’effet du caractère national, des mœurs, de la situation économique et de la constitution politique. Ainsi, le monopole est préféré dans, un pays comme la France où règne l’esprit de centralisation, d’unité de gouvernement et de recours à l’action de l’État ; il répugne au contraire à un pays comme l’Union Américaine où domine l’activité individuelle ; il est utile dans un pays dont la population n’est pas encore familiarisée avec l’usage de la monnaie fiduciaire. La liberté des banques d’émission peut être commandée par la constitution politique, comme en Suisse et en. Italie. Elle n’empêche pas le gouvernement d’obtenir, en cas de besoin, l’assistance, soit de toutes les banques, soit d’une ou de plu-sieurs d’entre elles ; mais les gouvernementseuropéens trouvent plus commode d’avoir

sous la main une grande banque privilégiée. La liberté et le monopole n’en ont pas moinsen commun plusieurs principes essentiels à la circulation fiduciaire des banques et auxquels elle est soumise en général. Ainsi, lorsqu’on soutient qu’une banque bat monnaie en émettant des billets au porteur et à vue,. on ne fait que répéter un dicton vide desens. La monnaie a une valeur propre et intrinsèque le billet n’est qu’une promesse,. un titre de créance qui doit être acquitté plus tard. Le payement en monnaie ne peut se refuser, tandis que le billet de banque peut se refuser à moins de cours forcé. Le payement en monnaie éteint la dette ; le billet de banque nelibère le débiteur qu’ensubstituant la banque en son lieu et place.

Il n’est pas vrai non plus que l’émission soit un acte de gouvernement c’est un véritable acte de commerce. Une banque vend : son crédit et son argent comme des marchands de blé ou de toiles vendent ces produits elle échange ses billets contre les en-