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trines courantes et la vérification de ces doctrines, jointe à la recherche de doctrines meilleures. La vulgarisation a effectivement reçu, en France, un bon commencement d’organisation la vérification, le contrôle, la recherche, pèchent, au contraire, à beaucoup d’égards.

Ce n’est pas ici le lieu de traiter à fond de l’enseignement de l’économie politique en France. Il en faut pourtant bien toucher un mot.

Quand une science est déjà constituée, quand elle a déjà beaucoup produit, ce n’est plus le zèle intermittent de quelques amateurs,c’est mettant à part le cas anormal des hommes de génie, le travail patient et méthodique des savants qui en peut assurer le progrès. C’est là qu’en est arrivée l’économie politique. Elle vit d’observations et de raisonnements. Les observations sont infiniment délicates, les raisonnements peuvent être infiniment dangereux. Les uns et les autres ne peuvent avoir quelque valeur que s’ils émanent d’hommes à l’esprit sagace et préparés à leur tâche par des études spéciales. Or, de ces hommes, nous en avons ; nous n’en avons pas assez. Et il n’y a que l’enseignement pour nous les procurer.

L’enseignement — celui qui nous préoccupe ici, parce que nous en attendons le renouveau, ce qui n’est pas dire le renouvellement de la science économique — doit être un enseignement supérieur. Il doit être placé dans les facultés. En France, l’économie politique est enseignée dans les facultés de droit. Tant qu’on n’aura pas créé ces « facultés des sciences économiques et politiques » qu’esquissait en 1869 M. Duruy et que réclamait dès 1873 M. Paul Bert, les facultés de droit seront la vraie place où enseigner l’économie politique. Des hommes élevés dans la science du droit peuvent lui apporter une précieuse coopération. Premier et capital service, ils peuvent lui donner une langue plus précise et plus rigoureuse. Ils peuvent faire davantage rompus à l’emploi de l’exégèse et de l’analyse, ils peuvent, mieux que personne, découvrir les points faibles des doctrines reçues. Plus tard enfin, avec leur passion et leur puissance de travail, ils peuvent aider à la restauration et au développement de la science.

Mais, pour cela, il faut que le recrutement des professeurs d’économie politique dans les facultés de droit soit assez profondément modifié.

Pendant longtemps, on les a choisis parmi les agrégés ordinaires de ces facultés, à la suite d’un concours où l’économie politique n’avait aucune place. L’étudiant en droit de la veille devait, dans un délai fort court, au maximum de quelques mois, monter en chaire et enseigner ce qu’il avait jusqu’alors ignoré.

C’était un système intolérable. En 1881, le ministre de l’instruction publique consultait les facultés de droit sur l’opportunité d’assurer aux chaires de ces facultés de droit, « soit en modifiant l’agrégation, soit en prenant toute autre mesure, des professeurs qui auraient une préparation toute particulière à l’enseignement dont ils seraient chargés ». Cela visait directement les chaires d’économie politique. Les facultés, déterminées surtout par des raisons d’ordre intérieur, n’estimèrent pas que cette réforme fût désirable. Ce n’est qu’en 1891 que fut fait un premier pas bien timide, mais dont toutefois nous devons nous féliciter. Les épreuves du concours à la suite duquel sont nommés les professeurs d’économie politique, quoique portant encore pour la plus grande par-